Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures
CHAPITRE SEPTIÈME. 297
Douze femmes, les plus jeunes et les plus avenantes de la parenté de l'homicide, portant avec elles des enfants encore à la mamelle, se rendent à la maison du mort, puis, arrivées là, après avoir déposé leurs nourrissons, commencent à crier et à pleurer, demandant pitié et commisération, et adjurant la famille, au nom de saint Jean-Baptiste, patron des nouveaux baptisés, de renoncer à sa colère et de se laisser toucher par la vue de ces pauvres innocents. Mais les parents du défunt restent froids d'abord et comme insensibles au spectacle qu'ils ont sous les yeux; puis, petit à petit, se laissant toucher, ils prennent dans leurs bras les enfants, et promettent, en témoignage de pardon, de tenir sur les fonts du baptême les douze premiers nés qui viendront et de servir de parrains aux épousailles d'autant de filles.
Dès que les petits enfants ont reçu les caresses et les baisers de leurs nouveaux protecteurs, les mères donnent comme premières arrhes de la paix rétablie une pièce d'argent, un voile et un pain. Reste maintenant à la famille offensée à nommer les vingt-quatre juges des cérémonies expiatrices, qui tous devront recevoir leur invitation de la famille du coupable, sans qu'il leur soit permis de refuser leur entremise, ni d'accepter pour elle aucune rémunération. Une fois que l'on est convenu du lieu, du jour et de l'heure du jugement, la réunion générale a lieu devant le jury de paix, et la parole appartient d'abord au parti offensé qui expose sa plante, fait ressortir le dommage causé par la mort de la victime, et demande que la cause Soit jugée selon les coutumes nationales ; viennent ensuite les disculpations et les excuses de l'autre parti. Avant le prononcé du jugement, et comme préliminaire de ce dernier, commence alors le