Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE NEUVIÈME. 283

gne, et à une profondeur comparable à la longueur de trois ou quatre pas, on descend des espèces de grandes nasses de la capacité de dix barils de Venise. Ces nasses sont retenues à de longues perches, fixées fortement elles-mêmes au fond de l'eau. Pendant l'été, quand les eaux sont basses, on les répare, on les relie à ces traverses, on en fait des sortes de chambres qui s'étendent sur une longueur d’un demi-mille. Chaque particulier connaît sa plate et sa pêcherie, celui-ci ayant deux, celui-là trois, un autre cinq ou jusqu'à dix nasses élablies, à la condition de payer un droit qui peut s'élever jusqu'à quarante ou cinquante talari à l’année. Les scoranze, fuyant pendant l'hiver le lac boueux et froid, se réfugient dans les eaux vives et chaudes où elles trouvent un agréable séjour. Quant aux nasses et aux pêcheries, elles sont surveillées par des gardiens pour qu'il ne soit pas permis aux oiseaux d'y entrer à contre-temps. De Jabliak partent des barques ou plutôt de petits batelets faits d'un seul tronc de chêne excavé; il en part égalcment de divers autres points du lac, et fous vont se réunir à Bazagur, où se rendent de leur côté beaucoup de Turcs de la ville, intéressés à la pêche. Le hozza ou prètre turc se tenant lui-même dans un bateau au milieu de l'eau, après avoir prononcé une prière dans sa langue, frappe bruyamment ses mains l'une contre l'autre et pousse un grand cri. À ce signal donné aüx oiseaux, qui l'attendent et le comprennent du haut des arbres où ils sont perchés, tous se précipitent à tire-d’ailes sur le lieu. de la pêcherie. Alors plongeant et nageant avec délices, ils se nourrissent à loisir du poisson qui, pourchassé et effrayé, fuit et va chercher un refuge dans les nasses elles-mêmes. Les Turcs qui sont au-dessus de celles-ci