Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE DIXIÈME. 299

dans le neveu de Danilo, le digne rejeton de ces Petrovitj, dont plusieurs, commençant en pleine adolescence l'exercice de l'autorité souveraine, avaient néanmoins montré, dès le premier jour, la prudence et l'énergie de l'âge mûr ; et, pleine de confiance en son jeune prince, à côté duquel veillait l'héroïque Mirko, la Tsernagore, un instant abattue par la mort de son illustre chef, reprit possession d'elle-même, et se prépara silencieusement aux nouvelles luttes que tout faisait présager.

Si l'esprit guerrier de Danilo survivait dans la personne de son frère, celui de sa politique avait passé tout entier dans l'âme de celle qui, pendant quelques années, avait partagé avec lui la couronne princière. La belle et non moins intelligente Darinka Danilowa ne pouvait, du jour au lendemain, abdiquer l'empire qu'elle devait à son éducation merveilleuse, à son esprit, à ses connaissances si profondes et si variées. Princesse douairière, elle put croire que la jeunesse du nouveau gospodar lui réservait pendant quelques années encore le rôle d'Anne d'Autriche et la direction du palais, et c'est, armée de toutes les séductions féminines, qu'elle tenta de soumettre son neveu à cette influencMéont elle avait joui légitimement dans les conseils de son époux. Le but poursuivi par son ambition, c'était le maintien absolu de l'influence française dans la principauté, et la destruction progressive des préjugés qui retenaient la Tsernagore en dehors du mouvement de la civilisation moderne : double chimère, dont l'expérience à montré, nous ne craignons pas de le dire, toute l'inanité. Nicolas I* eût été bien excusable de céder aux raisonnements persuasifs de cette femme incomparable, sur laquelle il avait reporté à la fois le respect et l'admira-