Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures
338 LE MONTÉNÉGRO CONTEMPORAIN.
à sa mère, en essuyant les chaudes larmes avec son mouchoir sur la vénérable figure.
« Où vas-tu, Ali, mon cœur; à qui laisseras-tu ta mère? Tu n'es qu'un enfant, — Lakésitch triomphera facilement de toi. »
« Facilement, oh! non, ma mère; mon cou il ne l’atteindra pas, quand j'ai l'épée tranchante de mon père et son cheval noir, »
« Hier au soir déjà, par l'entremise d'Hussein notre valet, j'envoyai à Bichina notre cheval à Lakésitch.
« Mais, cher fils, si tu veux du sang pour ta Haïka, ici, sur l'heure verse le mien; le péché sera pour moi. »
*Le bey est ému des paroles de sa mère; et dans son émotion , il entrevoit l’image de sa belle Haïka.
Son serment lui revient à la mémoire, le serment qu'il fit
le soir précédent sur le glaive atHint de son père; ce glaive il le tire subitement.
Car à ne plus vivre il est résolu, et sans doute il se serait tué si sa mère et ses serviteurs ne l’eussent retenu.
« Si vous voulez sauver ma vie, que ferez-vous donc du nom de Liubovitch ; que ferez-vous de l'honneur et de Haïka, racine de mon existence malheureuse? »
« Tu eus sept frères, — dit la vieille mère en pleurs, deux succombèrent aux portes de Candie.
« Deux ont laissé sous Vienne leurs ossements, mon cher Ali, alors que les Turcs voulurent au roi allemand prendre cette ville.
« Les Hongrois firent prisonnier ton frère Moussa à Varaddin et coupèrent la tête au Mehmed Cettignani.
« Ahmed le jeune mourut, hélas! dans mes bras vieillis, quand ses compagnons l'eurent rapporté blessé de la Tsernagore. « Ton père resta sous les murs de Bagdad et deux de is oncles sur les bords de la rivière d'Osie, quand le grand Sultan voulut prendre la Moscovie. !
« Tous sont tombés pour l'honneur de la Bosnie; qui