Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures
CHAPITRE ONZIÈME. 345
ce mot de Louis XIV au duc de Vivonne : « Maïs à quoi sert de lire? » Ce qu'il lui faut, c'est la vie extérieure dénuée de toute contrainte, la chasse, la pêche, les voyages, le contact de cette multitude prête à chaque heure du jour à se grouper autour de lui.
Quelques jours après le retour de Nicolas I* de son voyage en Russie, nous nous étions rendus sur la Tsernoïévitja Riéka à la grande pêche des scoranze, à Jaquelle le prince assiste chaque année. La levée vraiment miraculeuse des filets, dont le produit remplissait une trentaine de barques, étant achevée, nous nous réunimes au prince dans une cabane de pêcheurs où nous attendait un modeste déjeuner, dont le poisson constituait presque tout le menu. La cabane adossée au rocher et construite en pierres sèches, était encombrée de scoranze desséchées, exhalant une odeur d'autant plus concentrée et nauséabonde, que pour tout huis il n’y avait qu'une petite porte insuffisante même pour éclairer l'intérieur. Mais un feu, dans la fumée duquel nous disparaissions presque, y suppléait en partie, tandis qu'une vicille femme remplaçait le luminaire absent de cette salle de festin au moyen d'une branche de bois résineux enflammée qu'elle tenait à la mai. Assis sur des stohitzé autour de l’âtre, et reportant nos regards du sauvage appareil qui nous entourait sur le jeune chef de la Montagne-Noire, dont la kapüsa, ornée d'une plaque de brillants représentant toute une fortune, étincelait dans la pénombre, nous ne pûmes nous empêcher d'exprimer au prince notre étonnement et notre admiration de la simplicité et du naturel avec lesquels il prenait part à l'hospitalité de ce misérable réduit, et de la gaieté communicative qu'il y répandait même autour de lui. « Ah!