Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

12 LE PACTE DE FAMINE

Que tous les ministres de l'Ancien Régime aient toujours employé les meilleurs moyens pour résoudre ce grand problème de l’alimentation publique, qu'ils aient tous mis la même ardeur et la même intelligence à la recherche de sa solution, nous ne le prétendons pas. — Que la législation sur le commerce des grains ait {oujours êté parfaite, nous sommes les premiers à en douter. Est-on d’accord aujourd'hui encore sur les questions que soulève ce problème : le besoin du libre-échange se faisait peut-étre sentir au XVIIL: siècle ? L’agriculteur aurait peut-étre besoin aujourd'hui de revenir à la protection ?

Pour nous, nous ne craignons pas de proposer la conduite économique de la royauté française comme modèle aux ministres d'aujourd'hui.

Il serait, ce nous semble, opportun de revenir à cette absence de parti pris qui la distingue. Nous voyons, en effet, les ministres de l'Ancien Régime successivement libre-échangistes ou protectionnistes, suivantles besoins du moment. Ils surent aussi en même temps être protectionnistes pour telle industrie et libre-échangistes pour telle autre, suivant les intérêts de la patrie.

L'édit de 1764 n'était pas le premier qui autorisât la libre exportation des grains, mais il était le premier qui posât cette mesure en principe général ; avant cette époque, suivant l’abondance des récoltes, le gouvernement avait eu la sagesse de l'autoriser ou de la défendre. A trois reprises, pendant le XVIIIe siècle, l'administration, en présence des récoltes s’annoncant mal, interdit le commerce des denrées d’une province à l’autre et à l'étranger : le 12 juillet 1731, le 11 juin 1741 et le 14 mars 1747.

Cette {héorie, qui consistait à n'avoir rien d'immuable, produisit d'heureux résultats jusqu’au moment où les économistes entrèrent dans l'arène et voulurent, avec leurs abstractions. fixer pour toujours une législation aussi délicate à établir que la législation sur le commerce des grains.

Jusqu'à cette ère nouvelle, nous voyons le mal se reproduire, il est vrai, mais nous le voyons aussi toujours enrayé par les sages mesures prises par l’administration.

On admet généralement que les douanes provinciales étaient une des principales entraves apportées à l'alimentation publique; cela peut être vrai en principe, mais en fait leur effet désastreux ne se faisait guère sentir sur le commerce des grains, car elles étaient le plus souvént supprimées, lorsqu'elles pouvaient nuire