Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE II 21

les fermes, qu'il faut réduire ces vastes associations affamant la France entière, avec la complicité du Roi et deses ministres. Toutes les mesures prises contre les accapareurs et pour abaisser le cours des grains nous démontrent au contraire avec une évidence indiscutable que l'Etat, loin de protèger les monopoleurs, les traquait sans merci.

A la suite des disettes de 1660 et 1661, «le Roy, dont la bonté et la sage prévoyance veillent continuellement aux besoins de son peuple, avoit fait acheter une quantité considérable de blé, à Dantzick et ailleurs, dans l'extrémité de l’Europe. Sa Majesté y envoya jusques à deux millions de livres. La flote qui estoit chargée de ces grains arriva dans nos ports au mois d'avril 1662, et Paris, où le besoin estoit plus pressant qu'ailleurs, s’en trouva aussitôt secouru . »

Avec ces blès « acheptez des deniers de Sa Majesté » on fit faire du pain qui fut distribué aux pauvres à deux sols six deniers la livre au lieu de cinq sols que demandaient les boulangers. « Les fours pour cuire ce pain furent bâtis dans les Thuilleries et la distribution s’en faisoit tous les jours par plusieurs fenestres, qui furent percées le long du mur, depuis la porte qui est vis-à-vis le PontRoyal en tirant vers celle de la Conférence. » A l'Assemblée tenue le 12 avril 1662,- en l'hôtel de monseigneur le chancelier, pour la distribution des Deds du Roy, il fut arrêté que ladite distribution « seroit faite sur les seuls certificats des anciens commissaires de chacun quartier qui seront portez au grenier dans les galleries du Louvre ?. » |

En 1684, l'humidité de l'hiver et plusieurs inondations suivies de fortes gelées causèrent une stérilité presque générale. Heureusement « des grains achetés à temps sur les côtes de Barbarie et dans d'autres lieux arrivèrent à Paris en temps utile, et furent vendus par les soins du gouvernement, mais à l'insu du public, toujours un peu au-dessous des cours des marchés. Il n’en fallut pas davan-

1. Delamarre, op. cit., IL. 1022-1032. « Et pour commencer par elle (la capitale), à la soulager dans cette extrême nécessité et empêcher la famine dont elle étoit menacée, Sa Majesté avoit achepté quantité de bleds jusques dans les extrémités de l'Europe, ne s’en estant trouvé en suffisance dans les provinces de Languedoc et de Guyenne ; desquelles elle en avoit fait achepter une partie, et à l’achapt de tous ces bleds employé jusques à deux millions de livres. » (Extrait des Reg. du Greffe de la Police du Chastelet de Paris. Assemblée du 21 avril 1662.)

2 Delamarre op. cit., Il, 1032-1037.