Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma, S. 94
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sés. Quand il fut un peu remis : « Pardon, Messieurs, dit-il, c’est que j'ai été moine, et, comme Dorval, traîné dans un cachot. Dans le père Laurent j'ai cru reconnaître mon supérieur. »
On juge de l'effet que produisit une telle déclaration dans un pareil moment !
En rapportant cet épisode, Etienne et Martainville ajoutent avec indignation : « Quelle honte pour le siècle de la philosophie que des portraits aussi atroces aient pu avoir des modèles! »
Mais, beaucoup plus sceptique, M. Henri Welschinger, dans son remarquable ouvrage sur les théâtres de la Révolution, prétend que l’ex-moine n'était qu'un compère, destiné à chauffer l'émotion du publie, et que, très fort sur les ficelles théâtrales, l’acteur-auteur Monvel avait ainsi placé la comédie à côté du drame. Quoi qu’il en soit de cette opinion, que ne confirme d’ailleurs aucun document, cette pièce, suivant de près le décret de l'Assemblée nationale qui annulait tous les vœux monastiques, excitait une sorte de curiosité fiévreuse. Le sujet était traité, au surplus, avec une certaine dignité. C'était M. de Francheville, honorable maire de la ville où se passe l’action, qui se trouvait chargé de tenir un langage formulant bien la note et la tendance générales de l’œuvre de Monvel.
A un moment, le père Laurent se récrie contre « les complots des méchants, l'esprit de vertige qui paraît s'être emparé de la France entière, et les pièges cachés de l'éternel ennemi des hommes, pièges dont de hardis novateurs ne font qu'accomplir les desseins ».
Il prétend enfin que « tout ce qu’il y a de respectable est brisé, détruit, anéanti, la majesté des rois, la sainteté des tribunaux, le culte même, la religion.….. »