Les derniers jours d'André Chénier

286 LES DERNIERS JOURS D'ANDRÉ CHÉNIER

C’est aujourd’hui mon jour de barbe!

Un autre, écrivant une lettre suprême à FouquierTinville, libelle ainsi sa missive : 4 l’Exterminateur public. Un vieil amid’André, l’astronome Jean-Sylvain Bailly, de l’Académie française et de l’Académie des sciences, ci-devant député du tiers état, président de l’Assemblée nationale et maire de Paris, ayant reçu l'avis d’un sursis à son exécution, disait : « Petit Bonhomme vit encore. »

On trouvait, dans cette société, des causeurs pleins de verve, des musiciens, des joueurs de « galoche », des poètes toujours prêts, jusqu’à l’article de la mort, à rimer un madrigal à Eglé, une épiître à Chloris, ou quelqu’une de ces chansons champêtres qu’on entendait partout alors, excepté dans les champs.

_ Le siècle de la Pompadour — ce siècle où l’on démolissait toutes choses sans avoir l'air d'y toucher — fut le triomphe du génie féminin et de la grâce féminine. Les Français, pendant ces cent années!de tragi-comédie, se sont appliqués exclusivement à plaire aux femmes. Ils vivaient pour elles, en sautillant un peu, comme si l’apparente légèreté de leur passion amoureuse ‘eût été rythmée par les invisibles violons d’un éternel menuet. Ils mouraient aussi pour elles, souvent dans les batailles, plus tard sur l’échafaud, toujours le sourire aux lèvres, avec je ne sais quel charme dans le geste navré du dernier adieu.

Saint-Lazare, avec le Luxembourg, Port-Royal devenu Port-Libre et les Carmes, était, paraît-il, une « prison muscadine », parce que, nous dit un document officiel, ceux qu’on y enfermait « n’avaient connu long- : temps d'autres chaînes que celles de l'amour». Dansces sortes de prisons, dit encore ce document extraordinaire, « les heureux détenus coulent des jours délicieux dans les bras des belles prisonnières, leurs compagnes,