Les fêtes et les chants de la révolution française
XVIII PRÉFACE.
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Les idées ont grandement changé depuis le siècle passé qui nous sépare de la Révolution. Si, dans ce temps-là, la musique destinée à traduire le sentiment populaire était l'objet d’une estime réelle, nous la voyons aujourd'hui dédaignée, rejetée comme genre inférieur. La théorie de l’art pour l’art prévaut au moment présent : l’art, pour rester pur, doit rompre tout lien avec le milieu social, fuir les fréquentations vulgaires, poursuivre les rêves chimériques, rester l’attribut du petit nombre, de l'élite. Aristocratique par sa forme comme par son esprit, il s’éloigne de plus en plus de l’idéal populaire.
Cette conception, qui, pour respectable qu’elle soit, n’en est pas moins étroite et inféconde, ne fut pas celles des époques qui ont produit les plus grands génies. Des maîtres qui furent les admirables représentants de l’art de leur siècle ont, qu'ils l’aient voulu ou non, été les interprètesinspirés decesentiment populaire que méconnaissent nos modernes esthètes. Le plus grand, Beethoven, témoin lointain, mais passionnément intéressé, des événements de la Révolution française, en a (nous le montrerons longuement quelque jour) généreusement exprimé la pensée dans ses plus puissants chefs-d'œuvre. Berlioz, héritier direct des artistes de ce temps-là, — 1830 succède à quatrevingt-neuf — à gardé leurs traditions, en les élargissant. Au lendemain des « Trois glorieuses », aux dangers desquelles il tint à honneur d’avoir sa part, il orchestra la Marseillaise, « couvrant la nudité du chant », lui écrivit Rouget de Lisle, « de toutle brillant de son imagination ». Il célébra l'indépendance de la Grèce et les revendications de l'Irlande, éternelles opprimées; puis, fidèle aux enthousiasmes de ses jeunes années, il chanta la mort de Napoléon et s'efforça de rehausser par ses brillants accords l'éclat des fêtes du second Empire. Il écrivit, pour une occasion purement musicale, un Hymne à la France qu'on a depuis entendu dans nos fêtes nationales. Surtout il composa la Symphonie funèbre el triomphale à la mémoire des héros de