Les fêtes et les chants de la révolution française

XXVI PRÉFACE.

âpres critiques du théâtre et du rôle démoralisateur qu'il lui attribue ces paroles réconfortantes :

« Quoi! ne faut-il donc aucun spectacle dans une république? Au contraire, il en faut beaucoup. C’est dans la république qu'ils sont nés, c’est dans leur sein qu’on les voit briller avec un véritable air de fête. Nous avons déjà plusieurs fêtes publiques, ayons-en davantage, encore... C'est en plein air, c’est sous le ciel qu'il faut vous rassembler. — Mais quels seront les objets de ces spectacles? Qu'y montrera-t-on? Rien si l'on veut. Plantez au milieu d’une place un piquet couronné de fleurs, rassemblez-y le peuple, et vous aurez une fête. Faites mieux encore : donnez les speclaleurs en spectacle: rendez les acteurs eux-mêmes ; faites que chacun se voie et s'aime dans les autres, afin que tous en soient mieux unis. » Et le citoyen de Genève évoque l'exemple des fêtes républicaines de l'antiquité, dans lesquelles, au rapport de Plutarque, on chantait des chœurs en forme de danses, les jeunes hommes répondant aux vieillards, les enfants aux hommes, — et de ce souvenir devait sortir bientôt la conception de la Marseillaise 1.

Anacharsis Cloots, dans un projet simpliste d'éducation nationale, expose ses vues en des termes concis : « Lire, écrire, chiffrer, voilà pour l'instruction. La joie et un violon, voilà pour les spectacles... Danser la farandole sous un chêne séculaire ?, »

N'insistons pas ici sur les idées des hommes de la Révolution : leur réalisation est l'objet de ce livre même. Mais elles germèrent encore, après eux, dans l'esprit de ceux qui surent pénétrer le plus au fond du génie de leur temps. Voici par exemple ce que dit Michelet : rappelant la grandeur des fêtes antiques, la vie grecque « si terrible d'action, de lutte, de péril, de guerres, ayant cela d’admirable et qui compensait tout, les fêtes » — «du

1. Jean-Jacques Rousseau, Lellre à d'Alembert sur les spectacles.

2. ANAcrARSIS CLoots, cultivateur et député du département de l'Oise, nivôse an IL (dans Romain Rolland, le Théâtre du peuple. p- 158). ‘