Les idées du Comte de Maistre sur l'éducation des femmes : discours prononcé dans la Société des Conférences de la Palombelle, au college romain

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illustre interlocutrice et de lui-même — « nous avons « donné en Suisse des scènes à mourir de rire, ce«< pendant sans nous brouiller jamais. Son père, qui « vivait alors, » — M. Necker — « était parent ou «ami de gens que j'aimais de tout mon cœur, et que, « pour tout au monde, je n’aurais pas voulu chagri«ner. Je laissai donc crier les émigrés qui nous en« touraient, sans vouloir jamais tirer l'épée. On me « sut gré de cette modération, de manière qu'entre « cette famille et moi il y a toujours eu paix et amitié, «malgré la différence des bannières. » Joseph de Maistre, on le voit, n’était pas un foudre d’intolér'ance. Sa mission terminée à Lausanne, Maistre se rendit avec sa famille à Turin, d’où il fallut de nouveau se retirer devant l'invasion francaise. Il dut, avec d’autres émigrés, descendre le Pô sur une mauvaise barque de commerce, et « ce fut avec des difficultés in« finies, par un froid horrible, et sous la menace des « coups de fusil des sentinelles francaises et autri« chiennes postées sur les deux rives, qu’on arriva < enfin à Venise » (1).

À Venise, la misère, la noire misère, attendait les réfugiés. Maistre dut se contenter, pour lui-même et pour sa famille, d’une modeste chambre au rez-dechaussée, qui servait non seulement de dortoir, mais aussi de cuisine, de salle à manger et de salon. Chacun, dans ce pauvre intérieur, s’attribua les plus

(*) J'emprunie ce récil à l'ouvrage si remarquable de M. Amédée de Margerie sur Joseph de Maistre.