Les principes de la Révolution et du socialisme d'après les données de la politique scientifique

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la pensée généreuse et du progrès. Je sais que je vais heurter des opinions sincères et honnêtes; mais la vérité a ses droits imprescriptibles, et je prie seulement qu'on veuille bien étudier à nouveau la question et se convaincre à l’aide des textes et des preuves.

Ce mouvement de recul et de réaction, un homme surtout—à part certains côtés lumineux —le représente au dix-huitième siècle. Rousseau est l'ennemi de toute la philosophie de son temps; il est l'ennemi de Voltaire et de Diderot; quand la religion est aux trois quarts abattue, il la relève avec son Vicaire savoyard; (1) quand l'athéisme va triompher et devenir monnaie courante, il en fait un crime qu il punit de mort. (2) Son disciple Robespierre, à la tête de la section réactionnaire de la Convention effrayée, triomphe, en l’an II, de l’athéisme et de la philosophie, c'est-à-dire de la Révolution. Là est le nœud de la situation. La plupart des historiens s'épuisent à n'y rien comprendre, ne voyant qu un

gâchis et un massacre réciproque, là où se décèle l’action implacable d’une cause puissante et terrible; le déisme, c'est-à-dire la réaction philosophique et sociale, incarnée dans le disciple de Rousseau.

(1) Voyez le Livre IV de l’Emile. Qu'on se donne la peine de relire en entier cette étonnante Profession de foi du Vicaire savoyard, où Rousseau pose entre autres choses cette maxime, établissant qu'il faut “respecter en silence ce qu’on ne saurait ni rejeter ni comprendre, et “ s’humilier devant le grand Etre qui seul sait la vérité !” exemple instructif du dégré d’aberration où peut être entraîné un homme de génie, qui prend pour des réalités les fantaisies d’une imagination sans frein.

(2) Contrat Social, Chap. 8 (vers la fin).