Les serviteurs de la démocratie

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grand-maître de l’Université, ministre de l'instruction publique. En traversant Lyon, il eut le bon goût d'aller incognito assister au cours d'Edgar Quinet. Le soir même, ayant de reprendre. la route de Paris, il écrivit à Quinet ces deux lignes : « Mon cher professeur, on ferait [volontiers le voyage de Paris à Lyon pour avoir le plaisir d'entendre une de vos leçons.» De tels succès, irès justifiés d’ailleurs, désignaient Edgar Quinet à une -chaire du Collège de France. Celte institution était alors dans tout son éclat. On y combattait pour la science, pour la liberté et contre l’ultramontanisme. Quinet y fit, de concert avec « son illustre compagnon et ami » Michelet, une vigoureuse campagne contre les Jésuites, campagne dans laquelle ils eurent Villemain pour auxiliaire. La jeunesse des écoles accourait en foule à ces éloquentes leçons, elle les soulignait de ses applaudissements enthousiastes et faisait aux deux professeurs aimés de triomphantes ovations. Naturellément le clergé catholique se plaignit, jeta les hauts cris, et M. Guizot, président du conseil des ministres, eut la faiblesse de prendre parti, quoique protestant, pour le clergé catholique. Le fils de Calvin prêtait main forte aux fils de Loyola! La chose, il faut le dire, ne fut pas poussée avec rudesse. Comme toujours en pareilles circonstances, on s’y "rit en douceur et avec des ménagements. En premier iieu, le ministère essaya d'obtenir la démission volontaire de Michelet et de Quinet. M. Nisard, qui ne s'était pas cependant encore illustré par sa théorie des deux morales, fut le négociateur choisi et chargé de cette difficile et triste mission. Edgar Quinet répondit très simplement et très digne= ment : «Je suis dans ma chaire comme un soldat à son poste et sous le drapeau. On peut me frapper ; mais je ne capituleraï pas. » La violence alors se produisit. Ce