Les serviteurs de la démocratie

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280 LES SERVITEURS DE LA DÉMOCRATIE

Cette belle prophétie de l'exilé Schœlcher est à la veille de se réaliser. Les éloquents députés Madier de Montjau et Talandier, sous le patronage de Victor Hugo, ont fait appel dans la salle du Château-d'Eau, à la reconnaissance républicaine en faveur de Denis Dussoubs. Leur appel a été entendu. Certes personne ne méritait mieux que le généreux vaincu des barricades de décembre l'admiration et la sympathie de la France régénérée. Denis Dussoubs fut un grand caractère, un républicain de l’âge héroïque de la démocratie. Avant d’être le martyr de la liberté, il avait eu l'honneur d'être l'ami d’Armand Carrel et de ce pauvre Martin Bernard, qu'on oublie trop.

Né au commencement du siècle dans les environs de Limoges, d’une famille dévouée aux idées de la Révolution française, Denis Dussoubs se consacra de bonne heure à la propagande républicaine. Il fit partie, sous le règne de Louis-Philippe, de la Société des familles et de la Société des saisons. On le compta toujours au nombre des défenseurs Iles plus dévoués des idées d’émancipalion populaire et de justice sociale. Dussoubs était de ceux qui ne s'inquiètent pas des questions de succès, mais des questions de droit et de vérité. Il avait à la fois l'énergie d’un lutteur‘et la tendresse d’un apôtre. Pierre Leroux, qu'il avait connu à Paris, exerça sur son intelligence une influence considérable. Les idées douces, fénelontennes (s'il est permis de s’exprimer ainsi) de l’auteur de l'Humanité, — ce livre immortel de Pierre Leroux, — s'emparèrent du cœur et de l'esprit du jeune Denis Dussoubs. Il se prit à rêver pour les ouvriers une situation plus haute et plus équitable. Lorsque la Révolution de 1848 éclata, il se rangea parmi les démocrates socialistes qui acclamèrent le gouvernement provisoire; il soutint les candidats les