Louis XVI et la Révolution
8 LOUIS XVI ET LA RÉVOLUTION.
qu'on venait de réformer la petite écurie dont il était directeur, il alla chez le roi, raconte Besenval, « où il s’emporta fort : le roi se fâcha de son côté; l’entrevue fut extrêmement vive. Ce prince, en parlant de cette conversation à quelqu'un, lui dit en ma présence : Nous nous sommes véritablement fâchés, le duc de Coigny et moi : mais je crois qu’il m'aurait battu, que je le lui aurais passé. » Il n’en poursuit pas moins le plus longtemps possible sa campagne de réformes, soutenant de son mieux les ministres réformateurs, comme Turgot, écrivant, dit-on, à ce dernier le mot légendaire qui fait plus d’honneur à sa bonté qu’à son énergie : « Plus j'y pense, mon cher Turgot, et plus je me répète qu’il n'ÿ a que vous et moi qui aimions réellement le peuple. » Seulement, et c’est peut-être un tort chez un roi, Louis XVI se cache pour faire le bien. C’est une violette surle trône des lis. Et c’est nous qui savons maintenant, mais trop tard, des traits de bonté qu’il eût été d’une bonne politique de ne pas laisser ignorer aux contemporains. Louis XVI eût été plus populaire auprès de l’armée, si elle avait su qu’il protégeait et faisait avancer ceux qui, sur une liste de promotion, n'étaient protégés par personne ; si tous les soldats avaient pu entendre celte conversation du roi avec deux gardes françaises qu'il rencontrait en chassant : il leur demande si leur nouveau pain de munition était meilleur : « Oui, lui disent-ils; vive Votre Majesté! — En ce cas, je suis content, mes enfants. Bon voyage! » — On peut encore citer une anecdote qui lui fait honneur : Louis XVI, qui ne jouait presque jamais, perd un jour huit cents louis : « Voilà de l'argent bien mal employé, remarque-t-il : j'aurais mieux fait de faire distribuer six livres à trois mille deux cents soldats : cela les eût encouragés. Jouer est une sottise ; jy renonce. » De pareils traits prouvent simplement sa bonté d'âme, et non pas des instincts belliqueux : il préférait la paix à tout, même à une victoire: il écrivait par exemple au comte de Grasse : « Les succès de mes armes ne me flatteront jamais que comme étant un achemine-