Louis XVI et la Révolution

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Le séjour de Coblentz me parut celui de Versailles d’une manière encore plus hideuse : c'était un eloaque d'intrigues, de cabales, de bêtises, de déprédations et de singeries de l’ancienne cour. » On le voit : c’est toujours l’égoïsme féroce que l’on constate à Versailles avant la Révolution; c'est toujours aussi la même infidélité. La trahison est si flagrante que Marie-Antoinette a peur du succès des gens de Coblentz : « Si l’empereur soutenait les émigrés, lit-on dans un mémoire qu’elle envoyait à son frère le 31 août 1791, ils se livreraient aux plus folles et aux plus coupables espérances, car ils sont moins attachés au roi qu’à leur cause propre. » Ce manque de loyalisme n’est pas inexplicable : la corruption des mœurs dans toute la fin du xvm° siècle avait évidemment altéré jusqu’au courage traditionnel de l'aristocratie ; dès 1789, au témoignage de Besenval, « ce n’était qu'attroupements, entreprises de la part des factieux, terreurs et pusillanimité de celle du gouvernement, ainsi que de la noblesse. Le côté gauche était encore enhardi par la pusillanimité de la noblesse du royaume. » A la fin de 1791, c’est toujours la même faiblesse de caractère, la même petitesse d'esprit; l’ancienne cour n’a pas désarmé contre la reine ; la marquise de Raigecourt écrit à la marquise de Bombelles, le 16 octobre : « La conduite tergiversante de l'Empereur a aigri les esprits contre sa sœur. » Et pourtant les tergiversations de l’empereur sont dues aux émigrés eux-mêmes.

A l’intérieur, le roi est abandonné par tout le monde; par sa fuite, il a prouvé lui-même qu’il était inutile, qu'on pouvait se passer de lui. Quelques esprits elairvoyants l'avaient déjà deviné : dès septembre 1789, Gouverneur Morris pense que « un prince si faible ne peut avoir qu'une très pelite influence par sa présence ou son absence. » A la fin de juin 1791, le peuple est du même avis, tout au moins à Paris : « L’on s’accoutuma dans un instant, constate Dumont, à croire qu’un roi n'était pas nécessaire. » Ferrières lui-même reconnait que la