Marat inconnu : l' homme privé, le médecin, le savant : d'après des documents nouveaux et inédits
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vanité des grandeurs humaines, percer le sombre avenir, chercher l’homme au-delà du tombeau, et porter une inquiète curiosité sur ses destinées éternelles. »
Le morceau est d'une facture brutale, mais comme il est énergiquement brossé ! Il est tout au long dans l'Asni du peuple, dans ces feuilles volantes où les chiffonniers de l’histoire, les exhumateurs des papiers de garde-robes, n’ont voulu découvrir « que la rancune médiocre du médecin sans pratiques, de l'écrivain sifflé, de l'inventeur méconnu (1).» A n’en pas douter, Marat eut la rancune tenace, et sa recherche d’un idéal de souveraine justice lui fit juger, plus que sévèrement, les hommes et les événements. Il avait longtemps attendu la récompense de ses efforts, et l’on continuait à l'ienorer ou à le mépriser. De là à se croire entouré d’un cercle d’ennemis acharnés à le perdre, il n'y a qu’un pas : un écart de régime ou une fluctuation du tempérament a vite aidé à le franchir.
Est-ce à dire, comme M. Taipe (2), que Marat confine à l’aliéné, et en offre les principaux traits ? Est-ce bien ce que nous appelons la folie, cet ensemble de symptômes que l’entomologiste-historien décrit d’abondance : « L’exalta-
(1) De Goncourt, Histoire de la Société française sous la Révolution. (2) Taine, Revue des Deux-Mondes, 1884, p. 325 et suiv.