Mémoire sur la Bastille
248 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE méritoit bien, puisqu'il s’étoit permis de dire, et cela dans la chaire de vérité, que le roi étoit bon, mais que les ministres n’étoient que des f..... gueux.
Voici un incident très simple, très naturel, et qui cependant embarrassa fort le conseil de la Bastille; conseil tyrannique, et par conséquent d’une défiance pusillanime.
On avoit trouvé, dans les papiers d’un pauvre prisonnier nommé Prot, une lettre de la veuve Boivin, qui finissoit par ces mots: « Je vous prie de m'envoyer ce que vous savez bien; on attend apres. »
Messieurs du conseil crurent avoir trouvé dans ces paroles mystérieuses la clef d'un secret important. Ce que vous savez bien... on attend après : que de choses là dedans pour des inquisiteurs !
Après bien des perquisitions, on sut enfin que ce n’étoit qu’un petit pot de graisse provenant de la cuisine du sieur Richeville, où le nommé Prot, son domestique, l’avoit pris pour en gratifier la dame Boivin, sa voisine et son ancienne amie. Faute, hélas ! bien pardonnable, si l’enfer savoit pardonner!
On sait que la Bastille, et toutes les autres bastilles subalternes, étoient les sauvegardes des grands
1. Ignoscenda quidem, scirent si ignoscere manes. (Virc.) (Dusaulx.)