Mémoire sur la Bastille
66 MÉMOIRES SUR LA BASTILLE
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en fuite, et qui l’avoient lui-même persécuté. Mais il sentit qu'il falloit de sa part un dernier effort pour triompher des ressentimens publics, et d’autant plus difficiles à vaincre que la cause en étoit récente. « Je me prosterne, ajouta-t-il, non pas devant vous, Messieurs, qui, distingués par une éducation généreuse, n’avez besoin que de suivre les lumières de votre esprit et l’instinct de votre cœur ; mais je me jette aux genoux du plus inconnu, du plus obscur des citoyens de Paris, pour demander... », etc.
Que ne peut l’éloquence jointe à la vertu! « Grâce! grâce! » s’écrient unanimement douze ou quinze cents hommes en sanglotant.
Un citoyen se lève; et quel citoyen! M. de Clermont-Tonnerre : il suffit de le nommer. Malgré le ravissement général, il parvint à s’attirer l'attention par les regards enflammés qu’il lança sur l’assemblée : nous l’avions entendu avant qu’il eût parlé.
« Pardonnons, dit-il, aux vaincus, comme nous avons combattu les superbes. Voici entre le trône et nous, ajouta-t-il en montrant M. Necker, voici un homme sur lequel nous pouvons compter. Tout nous relève, tout nous soutient, la puissance des choses et l’énergie de notre courage. Daigneronsnous encore haïr des ennemis quand nous n’avons plus à les craindre? Que peut-on nous opposer?