Mémoires du général Baron Roch Godart (1792-1815)
20 MÉMOIRES DU GÉNÉRAL GODART
Disposé par caractère à obliger mes compatriotes, j'avais admis dans mon bataillon deux malheureux qui avaient été obligés de fuir d'Arras.
L'un, nommé Fauchison, était accusé d’avoir dissipé et de s'être approprié l'argent de la caisse de la garde nationale, affaire qui l’eùût indubitablement fail condamner aux galères’. Ayant une compagnie de canonniers à former alors, je parvins à l’y faire nommer lieutenant et ensuite capitaine.
L'autre était un prêtre oratorien, M. Baudouin, professeur à Arras, qui, étant soupçonné d’avoir répandu un écrit politique, fut obligé de se sauver et de chercher sa sûreté dans un bataillon. Je parvins également à le faire nommer sous-lieutenant de la même compagnie, et ensuite lieutenant par la promotion de Fauchison au grade de capitaine.
Ce Fauchison, à qui j'avais fait tant de bien, montra l'ingratitude la plus marquée à mon égard. Il se permit d'écrire au général contre moi, d’une manière aussi injuste qu’atroce; il me dépeignit dans sa lettre, que le général eut la bonté de me renvoyer, comme un homme sans mœurs et sans éducation, et comme le plus inepte de tous les hommes ; comme n’ayant jamais été qu’un mauvais caporal dans l’ancien régime, et indigne par conséquent d'occuper le grade honorable dont j'étais revêtu. Mon quartier-maitre et le lieutenant Baudouin, auxquels je communiquai cette lettre, furent comme moi indignés du procédé infâme de Fauchison, et, si
‘ Fauchison (Pierre-Louis) avait été nommé adjudant du 1° bataillon de la garde nationale d'Arras. Les griefs formulés contre lui le décidèrent à adresser une pétition au Directoire du district d'Arras, Le Directoire répondit : « L'administration intérieure de la garde nationale ne peut concerner les corps administratifs. » (Délibération du 23 octobre 1792.) C'est alors que Godart lui fut utile.