Mémoires sur la Révolution française

210 MÉMOIRES DE MADAME ELLIOTT

une figure de cire de Charlotte Corday, image qui était assez bien faite. Ces pauvres gens étaient bons et honnêtes, et quoique nous ne pussions leur être utiles en rien, ils nous rendaient tous les services qui élaient en leur pouvoir. Nous espérions que, pauvres comme ils l’étaient, ils seraientépargnés; mais, hélas! ils furent aussi traînés à cet horrible échafaud, ef nous donnâmes à leur mort des larmes sincères. Enfin ces scènes devinrent si fréquentes et si épouvantables qu'il était impossible de vivre plus longtemps dans un . pareil état de misère et d’effroi, de voir tous les jours les maris arrachés violemment des bras de leurs femmes, les enfants de ceux de leurs mères, d'entendre leurs cris de douleur et leurs transports de désespoir, enfin d'assister même à la mort des gens qui se coupaient la gorge, dès qu'ils pouvaient mettre la main sur un couteau. Telles étaient les horreurs qui se passaient aux Carmes pendant qu’on nous disait et que nous

pensions que chaque jour était le dernier pour nous.