Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques
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j âi-suffisamment exposé et n'ai nul dessein de discuter les opinions de Naigeon, de Sylvain Maréchal et de Delalande. A quoi bon, en effet, la discussion là où il y a si peu deraison, là où surtout la doctrine se dégrade à ce point, qu'elle finit par paraître moins un système qu’un blasphème, moins une recherche de la vérité qu'une insulte insensée aux choses les plus saintes! À qui a si outrageusement nié Dieu, l'âme et le devoir, il n'y a pas à opposer une sérieuse réfutation ; c'est assez d’une protestation, d’une ferme et sévère réprobation. Je n’en ferai pas d'autre critique.
Toutefois j'ai ici quelques explications à donner, et avant tout, à répondre à une objection qui pourrait m'être proposée sous la forme de cette question : quel peut être l'intérêt d’une étude tombée si bas et sur de si médiocres auteurs ? cet intérêt, j'en conviens , n’est pas de l'ordre le plus élevé, et il n’a rien qui satisfasse bien ni l'esprit ni le cœur. C'est, en effet, un triste spectacle que celui d’une philosophie qui, déchue de la sphère de la haute spéculation où la retenaient encore ses premiers et ses plus grands maîtres , s’abaisse avec leurs extrèmes disciples, jusqu’à la vulgarité de ses plus infimes conséquences. C’est un triste spectacle, je le répète, mais qui renferme cependant une utile lecon, car il nous laisse voir le rapport de paternité, éloignée si l’on veut, mais certaine néanmoins , de ces fermes et vigoureux esprits, de ces riches intelligences, et même de ces sages, il ést vrai, qui s'égarent, des Hobbes, des Gassendi, des Spinosa et des Locke, avec ces enfants perdus d’une postérité qu'ils eussent certes désavouée, mais dont la sévérité de l'histoire, au nom de la logique, leur impose à bon droit la grave responsabilité; et en même temps il doit mettre en