Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques
— 419 —
les lois, les croyances , les lettres, les sciences et les arts, tous les éléments de la vie politique et sociale en progrès, voilà le grand mobile, l'inspiration supérieure et comme la religion du xvin® siècle : la religion , dis-je, car dans cette estime, ce respect, ce soin de l'humanité, qu'il s’agit d'amener à la dignité et à l'équité de la vie civile, il y a aussi de la charité , et comme une manière d'aimer et d’honorer dans l'homme ce que Dieu y a mis de plus divin, je veux dire celte faculté de se porter de soi-même au bien d’après ses lumières et ses sentiments ; serait-ce trop s’avancer que d’ajouter que dans un siècle peu chrétien, c'est sa part de christianisme un peu trop humaine peut-être, mais qui a cependant encore sa marque divine.
Voilà ce qui a fait soitles vertus, soit les aimables qualités du xvrr siècle, sa libéralité de pensée, sa générosité de cœur, son amour du bien public, sa bienveillance, sa tolérance, la facile douceur de ses mœurs, et parmi tout ce sensualisme auquel il incline par prévention de système, ce goût passionné des choses de l’âme, qu'il tire de ce spiritualisme implicite mais PE engendré lui-même du principe de liberté.
Voilà ce qui l'a préparé , disposé, amené à cette grande et noble chose qu'il ne faut pas craindre de nommer, la révolution française. La philosophie de la sensation n’y fut que pour la négation, pour la privation, pour le mal; car s'il est vrai que cette révolution ait été pour la société, au moins dans ce qu’elle a eu de plus pur etdemeiïlleur, non pas seulement un renversement, mais un redressement, une ruine, mais un établissement, une véritable rénovation, une vie nouvelle et plus ample et plus large, qu'y pouvaitune doc-