Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques
M
blements et de transports au cerveau , à laquelle les dévots et les dévotes sont fort sujets ; et que c'est un mal endémique el contagieux, dont le christianisme a gratifié le genre humain. » Quant à l'enthousiasme, « c'est une sainte ivresse, qui grimpe au cerveau de ceux à qui Dieu fait la grâce de boire à large dose le bon vin que les prêtres débitent dans leurs cabarets. » Quelle profanation et quelle ignorance à la fois des plus saintes choses de l'âme humaine, et j'oserais presque dire quelle innocence dans le blasphème, tant l'aveuglement paraît ici invincible et complet. Maïs ce qui n'est plus innocent, car ce sont des paroles qu'on empreint à dessein d'une sanglante ironie, c’est ce qui est dit sur le bourreau : « c'est toujours le meilleur chrétien d'un État et le citoyen le plus orthodoxe. Il est l'ami du clergé, le défenseur de la foi, l'homme le plus utile aux prêtres ou à la cause de Dieu. » Est-ce que, par hasard, M. De Maistre aurait été obsédé de quelque importun souvenir de la héologie portative, lorsqu'il se prit à célébrer , comme par bravade, sur le ton impitoyable d’une foi que rien ne trouble, le même personnage, que l’on impose ici avec une si outrageante satire, à la morale et à la politique chrétienne? Est-ce que d'aventure, d'Holbach ou Naigeon auraient inspiré par un efñet de la loi des contraires l’auteur des Soirées de Suint-Pétersbourg ? Je l'ignore , mais il est difficile de n'être pas frappé d’un tel rapprochement. La pensée, du reste, pour être sérieuse et véhémente d'une part, sceptique et épigrammatique de l'autre, n'en est pas plus chrétienne dans un sens que dans l'autre. Ce n'est de l'amour en aucun sens, c’est de la violence et de l’emportement par excès de foi ou d'incrédulité.
Mais c’est sur le chef de la théodicée, et plus particuliè-