Mémoires sur Naigeon et accessoirement sur Sylvain Maréchal et Dalalande : lu à l'Académie des sciences morales et politiques
Me
sans tristesse et sans dégoût, et j'ajouterai, sans quelque sollicitude; car quoique je ne croie guère ici au péril de la contagion, il est cependant difficile de se défendre de quelque inquiétude en abordant de telles misères pour les exposer dans toute leur nudité. Le sujet en lui-même est peu engageant,.et il ne.m’a fallu rien moins que l'espérance d'en faire sortir en dernière fin quelques salutaires leçons, pour me déterminer à le traiter.
Quant au principal de mes personnages, je ne dis pas mon héros, il ne m'a pas non plus beaucoup charmé. Sans éclat, sans grandeur, avec une célébrité, qui n’est pas précisément de la gloire, et un caractère d'opinions, qui n'est ni l'élévation, ni la modération, il n’est pas un de ces noms que l'on recherche et dont on se flatte, et je me persuade aisément que M. le Secrétaire perpétuel, dans le domaine duquel cependant à la rigueur il rentrerait, comme Cabanis auquel il a consacré une de ses belles notices, ne me le disputera pas. On sait, en effet, que Naigeon appartint à notre première Académie, mais on sait aussi quelles maximes et quelles doctrines il y professa, non sans faveur ni adhésion, il faut bien en convenir. Naïgeon est une pâle et froide figure sans originalité ni vraie force, dont aucun trait n’impose ni n'attire beaucoup , et néanmoins, à y bien regarder, il ne laisse pas, sous certains rapports, que d’exciter quelque intérêt et de mériter quelque attention. Ainsi d’abord comme homme, il vaut beaucoup mieux que comme philosophe. Il se rend à lui-même le témoignage, et comme il se le rend publiquement, il faut l'en croire, qu'il a (ce sont les termes dont il se sert dans ses mémoires sur Diderot) « une fermeté et une inflexible droiture de caractère, qui l’éloigne également