Michelet et l'histoire de la Révolution française

MICHELET. — HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE 1%

mier fait une large place à l'histoire militaire et marqué ses relations avec l’histoire politique. On peut encore rapprocher des deux ouvrages que je viens de citer : l’Zssai historique et critique sur la Révolution, de Pierre Paganel, un ancien prêtre devenu membre de la Législative et de la Convention, où il avait voté la mort du Roi, plus tard employé au ministère des Affaires extérieures, puis à la Grande Chancellerie, qui publia en 4810 les {rois volumes de cet Æssai, écrits avec une intention nettement apologélique, mais aussi avec beaucoup de sérieux et d'intelligence. Son ouvrage fut saisi et interdit par la police impériale.

On peut mentionner enfin, après l'ouvrage de Paganel, l'Æistoire complète de la Révolution, en six volumes, publiée beaucoup plus tard, de 1833 à 1839, par Pierre Tissot, le beau-frère du conventionnel Goujon. Il avait pris part, lui aussi, dans des rôles subalternes, à la Révolution, et avait conservé, à travers l’Empire et la Restauration, et dans sa carrière de professeur et de journaliste, ses sentiments d’ardent Montagnard.

A côté de ces ouvrages il en est d’autres, inspirés par un esprit d’hostilité à la Révolution, qui sont loin d'avoir la même valeur et ne peuvent guère servir qu'à fournir un certain nombre d’anecdotes dont on doit toujours vérifier l'exactitude, et à connaître l’état d'esprit des monarchistes pendant la Révolution. De ce nombre est l'Æistoire philosophique de la Révolution de France, par Fantin Desodoards, parue en deux volumes en 1796, et qui eut de nombreuses éditions, mais dont rien ne justifie le succès, car elle n’a de philosophique que le nom et n’est digne d’être lue que parce qu'elle contient le récit de quelques faits dont Desodoards fut le témoin oculaire. Les seuls ouvrages d'inspiration royaliste qui aient une réelle valeur sont ceux de Charles de Lacretelle. Il publia, de 4801 à 1806,sous forme d’une suite au Précis historique de la Révolution française, de Rabaut Saint-Etienne, qui ne traitait que de la Constituante, trois petits volumes in-18 sur la Législative, la Convention et le Directoire, portant le même titre. Plus tard, en 1820, alors qu'il était professeur à la Faculté des lettres de Paris, il composa une Histoire de l'Assemblée Constituante, en deux volumes in-8, et reprit alors loute son œuvre pour en faire une #istoire de la Révolution française, en huit volumes in-8, qui parut de 1824 à 1826.

Lacretelle, tout royaliste qu'il était — et même censeur dramatique sous l’Empire et censeur royal sous la Restauration, — était resté un homme du xvie siècle et appartenait aux idées constitutionnelles libérales (1), mais menacé sous la Terreur, emprisonné pendant 30 mois après Fructidor, il avait travaillé au retour des Bourbons pendant la Révolution, et il en écrivit l’histoire dans un esprit d’hostilité non dissimulé. Les mauvaises habitudes littéraires du temps, qui lui faisaient remplacer les discours vrais par des arrangements de son cru, ou inventer des dialogues, font de ses ouvrages, tout autant que son parti pris politi-

que, des livres dont on ne peut se servir qu'avec une extrême circonspection. Le Précis de Rabaut Saint-Etienne, dont Lacretelle avait voulu écrire la suite, est infiniment supérieur. Bien qu'il se présente à nous comme un Abrégé chronologique de l'Histoire de la Constituante, carla première édition de 1792 à pour titre: A/manach historique de la Révolution

(1) II a été un de ceux qui ont encouragé Michelet à ses débuts.