Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux

16 LE MAGASIN

phalie avec soixante dix-neuf mille deux cents Westphaliens, Saxons et Polonais ; à côté d’eux le prince Eugène achèvera de réunir vers Mariendol et Pilony soixantedix-neuf mille cinq-cents Bavarois, Italiens et Français ; puis l’empereur , avec deux cent vingt mille hommes commandés par le roi de Naples, le prince d’Eckmühl , les duéstde Dantzick ; d'istrie, de Reygio : d’Elchingen ; enfin, devant Tilsitt, Macdonald et trente-deux mille cinqcents Prussiens, Bavarois et Polonais, formeront l’extrême gauche de la grande armée. —Ainsi Berthier, combien d'hommes en mouvement depuis le Guadalquivir et la mer des Calabres jusqu’à la Vistule?

BERTHIER. Six cent dix-sept mille.

NAPOLÉON. Combien présens ?

BERTHIER. Quatre cent vingt taille.

NAPOLÉON. Combien d’équipages de ponts?

BERTIHIER. Six.

NAPOLÉON. De voitures de vivres?

BERTHIER. Onze mille.

NAPOLÉOX. De pièces de canon?

BERTHIER. Treize cent soixante-douze.

NAPOLÉON. Bien.

BERTHIER. Et Votre Majesté croit pouvoir compter sur les soixante mille Autrichiens, Prussiens et Espagnols, qui marchentins l'asee

NAPOLÉON. Oui.

BERTINER. Votre majesté ne craint pas qu'ils se souviennent de Wagram, d'Iéna et de Saragosse !

NAPOLÉON. Ils ne s’en souviendront pas

tant que je serai vainqueur. Îl faut se servir deses conquêtes pour conquérir; d’ailleursla campagne ne sera pas longue ; c’est une guerre toute politique: ce sont les Anglais que j’attaque en Russie ; ensuite on se reposera: c'est le cinquième acte, Le dénouement, — Datez mes ordres d'ici de Dresde, —et envoyez mes ordonnances aux journaux de Paris. Vous reviendrez avec Caulaincourt, Murat, Ney, et nos autres maréchaux.

BERTIIER. Votre Majesté recevra-t-elle cematin les rois de Wurtemberg, de Prusse et de Westphalie, et quelque autres qui demandent à faire leurcour à Votre Majesté ?

NAPOLÉON. Plus tard ; — j'attends Talma. Vous les inviterez au spectacle pour ce soir, je les y conduirai. Allez.

TUÉATRAL.

0900902000 500 19000500 200 500500 200508000 000 SCENE Il.

NAPOLÉON, UN HUISSIER, TALMA, puis CAULAINCOURT..

L’nuISSsIER. M. Talma,

NAPOLÉON. Faites entrer. (Talma entre, l'huissier sort.) Vous vous faites bien attendre Talma.

TALMA. Sire, ce n’est pas ma faute; j'ai donné en entrant dans la cour au milieu d’un embarras de rois dont j'ai eu toutes les peines du monde à me retirer.

NAPOLÉON*. Quand êtes-vous arrivé?

TALMA. Hier soir, sire.

NAPOLÉON. Etes-vous trop fatigué pour jouer aujourd’hui!

TALMA. Non, sire.

NAPOLÉOX. Songez que vous aurez un parterre de têtes couronnées. — Quelles nouvelle du Théâtre-Français ?

TALMA. Des querelles.

NAPOLÉON. Toujours ! Entre ?.…

TALWA. Entre les sociétaires , pour les rôles, pour les emplois.

NAPOLÉON. Je réplerai tout cela à Moseou. Votre république de la rue Richelieu me donne plus de mal que mes cinq où six royaumes.

TALMA. Et que jouerais-je? Mahomet ?

NAPGLÉON. Non, non, ils prendraient cela pour une ap} plication; d’ailleurs, depuis que j'ai vu l Egypte, j je trouve Voltaire encore plus faux qu'auparavant.

TALMA. J'ai cependant entendu Votre Majesté louer OEdipe.

NAPOLÉON. La fatalité antiquele soutient. Voyez-vous, tout le théâtre de Voltaire est un système dont 93 est la dernière pièee. Mais dites-moi, Talima > COMpPrenez-VOUS , avec sa haine pour les rois , ses éloges exagérés de Louis XIV , roi d'opéra qui entendait assez linbilement la mise en scène de la royauté , rien de plus ; qui faisaitsix mille francs de pension à Boileau , et laissait mourir de faim Corneille.. Corneille que j'aurais fait ministre s'il eût vécu de mon tems!

TALMA. Je vois que je jouerai ce soir du Corneille.

NAPOLÉON. Oui, il est tours beau sans cesser d’être vrai, celui-là. Il agrandit les héros dont il s’empare… Il ne les force pas à se baisser pour passer par les petits escaliers de Versailles et les portes de l’œilde-bœuf; ses Grees sont Grecs,ses Romains, Romains... Ils ont les jambes et les bras nus, et neportentpasla livrée de Louis XIV.

TALMA. Votre Majesté me semble bien sévère.