Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux

NAPOLÉON‘ 25

L’ESPION. Prenez,

(ils prennent du feu et sortent.)

SOLDATS, au dehors. As-tu du bois? où y a-t-il du bois?

NAPOLÉON , de la porte. Mes amis, démolissez cette cabane, prenez le chaume qui la couvre. Faites du feu, faites du feu.

LES SOLDATS. Et vous, et Votre Majesté?

NAPOLÉON, dan! son gant el leur prenant la marn. Moi, j'ai chaud ; tenez.

PREMIER SOLDAT. Non, sire, nous aimerions mieux mourir.

NAPOLÉON. Mes enfans?

L’ESPION. Arrière !.….

NAPOLÉON. Laissez entrer les gardes de l'aigle ! Il faut que leurs mains se réchautfent pour soutenir leur drapeau.

(Le drapeau et les gardent entrent.)

LORRAIN , à l’espion. Oh! s'il vous plait, camarades, une petite place au feu , place desous-officier ! — Cré coquin que j'ai les mains sourdes |... — Dites donc , camarade, sans indiscrétion, peut-on vous demander ce que vous avez de gelé ?

L’ESPION, Rien,

LORRAIN. Vous êtes bien heureux. Faites-moi l’amitié de me dire si j'ai encore mon nez... C’est que jd ne le sens plus depuis Smolensk... Avec ça que j'ai une faimiAllons, allons, serrons la ceinture d’un cran : — j'ai diné.

NAPOLÉON. Le canon! le canon! c’est l'avant-garde de Kutusofb et de Wittgenstein qui a rejoint mon arrière-garde..…. Mais Ney est là, Ney, le brave des braves ! Charles XIL! Charles XII !..... (4 un aïde-de-camp.) Eh bien ! le canon a changé

. de direction. Qu'est-ce que ce canon ?

L’AIDE-DE-CAmP. Titchakoff, avectrente mille hommes, qui nous attaque en flanc.

NAPOLÉON. Et l’armée, l’armée passe-telle la Bérésina ?

L’AIDE-DE-CAMP. Le tiers est passé à peu près, mais le pont fléchit…

NAPOLÉON. Je le sais.

L’AIDE-DE-CAMP. Et d’un moment à l’autre.

NAPOLÉON. Silence. — Et vous dites que Titchakoff.….

L’AIDE-DE-CAMP. Voilà son canon qui se rapproche.

NAPOLÉON. Combien le bataillon sacré compte-t-il encore d'hommes ?

L’AIDE-DE-CAMP. Cinq cents, à peu près.

NAPOLÉON. Qu'ils maintiennent Titchakoff et ses trente mille hommes, et qu'ils donnent à l’armée le tems de passer la Bérésina; — en se déployant sur une seule ligne, ils feront croire à un nombre triple. — Allez. — Oh! le pont | Le pont! Je l'avais bien dit à Eblé que les chevalets n'étaient pas assez forts. À chaque instant je tremble d’entendre les cris des milliers de malheureux qui s’engloutiront ! Mon Dieu !... — Quelqu'un a-t-il du vin ?

L’ESPION. En voici quelques gouttes.

NAPOLÉON. Merci. (1/ va pour boire et voit un de ses grenadiers mourant , qui se débat : 11 lui porte la gourde.) Tiens, mon brave! (Gris de délresse mélés aux houras des Cosaques.) Ah ! voilà le pont qui se brise !

VOIX , au dehors. Le pont ! le pont!

voix. L’ennemi! les Cosaques !

NAPOLÉON. À nous, enfans ! dehors et marchons : la moitié de l’armée est engloutie , 1l faut sauver le reste,

LA FEMME , 6 l’espion. Oh! par pitié, ne me laissez pas ici; je ne puis marcher.

L’ESPION l'enveloppe dans son manteau et l’emporte dans ses bras. Venez, il me reste encore quelque force.

(Hs sortent. — Le théâtre change.)

%

2000 80e0000c0c00ec0cp0reneeeccCCOCCLeC CCC CTOCO POELE CP EOPOETÉP OO CEÉES

Ueuvième Tableau.

La Bérésina.

SCENE XI.

(L'empereur, un bâton à la main, avec quelques soldats ; les musiciens du premier corps l’apercevant, crient:)

L'empereur ! l’empereur !

(ls jouent : Où peut-or étre mieux P)

NAPOLÉON. Non, mes enfans, jouez : Veillons au salut de l'empire.

(A mesure que la musique s'éloigne, les soldats deviennent plus rares ;ils tombent, la neige les

couvre.) ( Tableau. )

FIN DU TROISIÈME AÛTE.