Napoléon Bonaparte, drame en six actes et en vingt-trois tableaux

NAPOLÉON. oi

fait chevalier, sans que j'aie mérité de Fétre... NAPOLÉON. Prenez , mon ami... c’est un monument... et vous êtes curieux de monumens , je le sais... Il fallait venir me voir quand je possédais l'épée de François 1 et celle du grand Frédéric!

LAS cases. Il me semble qu’à la place de votre “majesté, j'aurais voulu porter l’une ou l’autre.

NAPOLÉON, ui pinçant l'oreille. Niais ! j'avais la mienne.

LAS CASES. Que votre majesté me pardonne !.. je suis quelquefois d’une bétise !.

NAPOLÉON , à Santini qui entre. Ah ! c’est toi, Santini... (Avec gaîté.) Comment, brigand, tu te permets de battre un soldat anglais. et cela parce qu’il abat un arbre au pied duquel j'aimais à me reposer ?.... Est-ce vrai ?

sANTINI. Sire , outré des mauvais traitemens du gouverneur.

NAPOLÉON. Ilavoue... voyez-vous Le misérable qui avoue?

SANTINI. Ah! s'ils ne n’’avaient pas arraché mon fusil!

NArOLÉON. Eh bien ?

SANTINI. J’aurais envoyé ce chien d’Anglais... NAPOLÉON. Eh bien! qu’une pareille idée te revienne, et tu verras comme je te traiterai!.. Messieurs, voilà Santini qui voulait tuer le gouverneur. Il me ferait de belles affaires! Vilain... (Cherchant un mot.) Corse !

.SANTINI. Oui, il fallait que l’ile fût débarrassée du gouverneur où de moi : de malheur veut que ce soit moi qui parte, sire ! moi qui comptais mourir près de votre majesté !

NAPOLÉON. Oui, c'est vrai. Tu pars, mon pauvre Santini... L

SANTINI. Ah! si votre majesté le permettait, je resterais malgré eux ; il faudrait qu’ils n’emportassent par morceaux.

NAPOLÉON. Non pas! ce n’est pas un séjour regrettable que Sainte-Hélène. Dépêche-toi d’en sértir, puisque tu le peux. Quant à moi... ils me feront mourir ici, c’est certain.

SANTINI. Votre majesté est sortie de ile d'Elbe aussi!

NAPOLÉON. Sainte-Hélène me gardera ; va, mon ami. Païs; l'air de la mer est

pur... L'Océan est immense. Il doit être doux de respirer l’air de la mer et d'être bercé par les vagues de l'Océan... Dans quelques jours tu verras succéder à ce ciel ardent un ciel semé de nuages... (#{lant à

la fenétre.) Oh! des nuages! des nuages !

SANTINI. Sire, n'avez-Vous aucun Imessage, aucune lettre à me donner ?.… je retourne en France.

NAPOLÉON. Non... ils te l’enlèveraient d’ailleurs... Seulement si ton destin te conduisait du côté de Vienne, tâche de voir mon fils, mon pauvre enfant. Tu lui diras : « J'ai quitté votre père mourant, exilé du » monde, jeté sur un rocher, au milieu » de l'Océan. De tous les biens qu'il a » perdus, il ne regretté que vous: c’est » vous qu'il appelle quand il parle seul, » vous qu'il nommé quand il rêve la nuit. » Les seuls portraits qui décorent sa cham» bre sont les vôtres... Et lorsqu'ilmourra, » il se fera apporter votre buste et mourra » les yeux fixés sur lui... » Voilà ce que tu diras à mon fils, Santini; puis que je t'ai embrassé et que tu es parti...

SANTINI, embrassant l’empereur: Sixe , vous le reverrez...

NAPOLÉON. Comment !

SANTINL. Ïl y a un officier anglais dans l’antichambre.…. Il faut que vous le voyez. NAPOLÉON. Jamais.

SANTINI. 1 m'a dit de vous répéter ces deux mots : Toulon et liberté. .

NAPOLÉON, tressaillant. C’est bien, je lui parlerai. Et maintenant , mon ami , as-tu de l'argent ?

sANTINI. Non, sire; mais qu'importe!

NAPOLÉON. As-tu quelques bijoux ?

SanTini. J'ai été obligé de les vendre tous depuis que je suis dans Pile.

NAPOLÉON , fouillant dans ses poches. Marchand, apportez-moi quelques couverts d'argent. :

SANTINr. Pourquoi, sire!

naroLéon. Bien. Brisez-les maintenant. Ils les lui enlèveraient en disant qu’il n'a volé... ( Écrivant quelques mots) Prends , mon ami , prends aussi ce papier...

SANTINI. Une pension; sire!

NAPOLÉON. Maintenant. adieu. laissemoi. N'oublie pas mon: fils. Adieu: Suivez-le, messieurs, et envoyez-moi l'officier anglais qui est dans l’antichambre..…. (Us sortent en pleurant, l’espion entre.) Ah ! c’est toi ; je métonnais de ne pas lavoir vu plus tôt. EREA