Observations du comte de Lally-Tolendal sur la lettre écrite par M. le comte de Mirabeau au Comité des recherches, contre M. le comte de Saint-Priest, ministre d'État
13 » Les grains deftinés pour un endroit , font retenus dans » un autre. Vous avez tous les jours des convois arrêtés, » vous en avez eu de pillés. Le défordre s’eft établi jufque », dans vos murs : on y a vu la prodigalité, compagne de » la détrefle : vous avez eu plus de grains dans vos », marchés & moins de pain dans vos maïfons. Enfin , dans n, une année de difette, le roi vous a nourris ; & après une » récolte abondante , vous mourez de faim: voyez où vous ») en tes n.
M. de Mirabeau a donné fon commentaire , & j’ai donné le mien; on choifira. Sans doute M. de Saint-Prieft, sil a tenu le propos , a comparé deux époques ! mais apparemment que M. de Mirabeau ne nie pas que ces deux époques foient très-différentes ; apparemment qu'il ne nie pas qu'il ÿ ait aujourd’hui beaucoup de défordres ; & quand il établit qu'on ne peut pas fe plaindre de ces défordres, fans attaquer laffemblée nationale, c’eft lui qui la blafpheme , car c’eft dire que tous les défordres font arrivés par l’affemblée nationale.
Jai juftifié le difcours de M. de Saint-Prieft, en {uppofant qu’il lait tenu. J'aurai bientôt juftifié fon /ilence , en fuppofant qu'il l'ait gardé.
J’aurois cru que c’éroit beaucoup faire que d’aller jufqu'où avoit été Tibere, en interprétant les difcours pour en faire un crime capital : mais M. de Mirabeau le dépañe, en interprétant jufqu’au filence.
Un mot va me fuffire. On ne me niera point qu’il eft un flence d'improbation, comme il en eft un d’approbation. Je place M. de Saint-Prieft entre un defpote parlementaire & un defpote monarchique. Le defpote parlementaire lui dira : » On a attaqué devant vous l’affemblée » nationale; & vous avez gardé le filence! c’étoit ap» prouver ce qui fe difoit; c'étoit permettre au peuple n. de penfer que le défir des ennemis de l'état fe eonfon» doit avec les vœux du gouvernement ». Le defpote monarchique lui dira : » On m'a défendu devant vous » contre laffemblée nationale ; & vous avez gardé le » filençe! c’étoit défavouer ce qui fe difoit ; c’étoit » permettre au peuple de penfer que le défir de mes », ennemis [e confondotit avec Les vœux même de mes miŸ niflres ». Bradshaw d’une part, & Henri VIII de Vautre, auroient ainfi raifonné; & voila où l’on arrive avec l'art d'interpréter & de forger des crimes. J'ai tout dit fur. cet objet,
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