Oeuvres littéraires : ouvrage orné d'un portrait

DÉTAILS SUR LA SOCIÉTÉ D'OLTEN 203

une fumée à ne pas se reconnaître. Ils s’approchaient de moi, et me lâchant une bouffée, me disaient très sérieusement : Monsieur le Français, est-ce que ma pipe ne vous incommode pas? Le spectacle qu’ils me donnèrent le reste de la soirée fut la plus pittoresque de toutes les lanternes magiques. À chaque instant, on voyait venir de toutes les parties de la Suisse des piétons, des gens à cheval, des voitures, des cambiatures, des charrettes; tous ces gens-là se précipitaient au col les uns des autres, comme des amis intimes qui ne se seraient pas vus depuis mille ans : ils s'embrassaient trois fois, car c’est la mode des Suisses qui s'appliquent trois fois leurs visages, de manière à croire qu'ils ne pourront plus les décoller. On ne savait à qui aller, on se prenait les mains, on se réembrassait. Enfin, de compte fait, il arriva cent cinquante-sept personnes, et sur les sept heures du soir toute cette cohue patriotique remonta souper dans le même grenier où l’on avait dîné. Nous avions là six grandes tables longues, couvertes de bouteilles, de chevreuils et de pâtés. En une heure et demie Le tout fut dévoré, mais il était dit que nous en aurions encore pour longtemps.