Oeuvres littéraires : ouvrage orné d'un portrait

218 DÉTAILS SUR LA SOCIÉTÉ D'OLTEN

des Soleurois au gros ventre, visage rouge, œil fixe, tête chauve, vraies faces de tyrans romains, qui, fronçant le sourcil et faisant de leurs grosses lèvres une moue abominable, semblaient s’entretenir avec importance. Quoique je fusse évidemment l’objet de leur conversation, je n’y fis pas grande attention d’abord. Il est assez naturel qu’on se dise quelques mots sur un nouveau visage; ma pensée n’alla pas plus loin. A la promenade de la capucinière, me trouvant avec un autre Soleurois, quelqu'un parla de Soleure. Je parlai de l’extrême dévotion que j'avais trouvée dans cette ville, dévotion qui est poussée à un tel point que ce qui marche dans les rues marmotte continuellement les grains d’un chapelet qu'il porte à son bras, et que, depuis quatre heures du matin jusqu’au coucher du soleil, les églises, les chapelles, les pèlerinages ne désemplissent point. Mon Soleurois reprit alors la parole, et d’un ton mystérieux et administrateur, il observa qu'il n’y avait rien de plus essentiel que d'entretenir le peuple dans de pareils sentiments ; que si les magistrats luilaissaient une fois ouvrir les yeux, bientôt il leur péterait dans la main (ce furent ses expressions aussi nobles que