Oeuvres littéraires : ouvrage orné d'un portrait

22 VISITE A BUFFON

juge comme le jugera la postérité, avec cette différence, qu'un auteur à plus que qui que ce soit le secret de ses productions. Il me disait : « J'apprends tous les jours à écrire : il y a dans « mes derniers ouvrages, infiniment plus de per« fection que dans les premiers. Souvent je me « fais relire mes ouvrages, et je trouve alors des « idées que je changerai, ou auxquelles j'ajoute« rai. Il est d’autres morceaux que je ne ferais « pas mieux. »

Cette bonne foi a quelque chose de précieux, d'original, d’antique et de séduisant. On peut d'ailleurs s’en rapporter à M. de Buffon, personne n’est plus sévère que lui sur le style, sur la précision des idées, qu’il regarde comme le premier caractère du grand écrivain, sur la justesse et la correspondance exacte des contrastes que les idées demandent entre elles pour se faire valoir, ou des développements qu’elles exigent pour le manifester. Je lui ai entendu discuter des pages entières, avec une raison, un sens admirable, mais en même temps avec un sens inexorable. « J'ai été obligé, me disait-il, de prendre « tous les tons dans mon ouvrage ; il importe de « savoir à quel degré de l'échelle il faut monter. »