Oeuvres littéraires : ouvrage orné d'un portrait

54 VISITE À BUFFON

pareille étude constamment suivie ne me donnaitelle pas, même pour remplir ces mêmes devoirs ? Il me conseilla donc de ne les point négliger; mais il m’avertit qu'avec de la patience et de la méthode, je m'apercevrais chaque jour du progrès et de la vigueur de mon intelligence. Il m’exhorta à faire comme lui, à prendre un secrétaire uniquement pour ce travail. En effet, M. de Buffon s’est toujours beaucoup fait aider; on lui fournissait des observations, des expériences, des mémoires, et il combinait tout cela avec la puissance de son génie. J’en ai trouvé une fois la preuve dans le peu de papiers qu'il avait laissé dans un carton. Je vis un mémoire sur l’aimant, auquel il travaille, envoyé par le comte de Lacépède, jeune homme plein d'ardeur et de connaissances. Buffon a raison; il y a mille choses qu'il faut laisser à des manœuvres, autrement on serait écrasé, et on n’arriverait jamais à son but. Il me dit que dans le temps de ses plus grands travaux, il avait une chambre remplie de cartons, qu'il a depuis brülés. Il me fortifia dans la résolution de ne point consulter les livres, de tirer tout de moi-même, de ne les ouvrir que quand je ne pourrais plus aller plus loin que le point où