Oeuvres politiques de Fabre d'Églantine

… 256 OEUVRES POLITIQUES DE FABRE D'ÉGLANTINE

Qu'on se représente qu’il suffisait de se dire amant de la Patrie et d’affecter habilement de l'être, pour trouver accès dans l’esprit de Marat; qu'il suffisait de bénir son patriotisme pour l’énivrer ; qu’il suffisait de se dire malheureux pour l’attendrir et le tromper : sa mort en est bien la preuve ! et l’on sentira que sa faiblesse et sa erédulité étaient des conséquences de son bon naturel et qu’il n’en faut imputer l’abus qu'aux méchants, dont le propre est de convertir en poison les sources les plus pures.

Mais ce Marat, faible par son cœur ; si nous le considérons sous le rapport de son esprit et de son âme, nous verrons un homme d’une tête forte, d’un courage invincible, d’une fermeté inébranlable. Jamais je ne l'ai vu, dans les orages même les plus violents, sans une présence d’esprit rare et constante. Dans ses desseins, dans leur exécution, dans ses opinions, dans sa haine patriotique, rien ne le faisait dévier, rien ne le faisait fléchir. Ce n’était point opiniätreté, car il savait écouter la raison et savait la louer dans autrui quand elle surpassait la sienne, et cela d'un air tellement simple, que tel en faisait honneur plutôt à sa propre supériorité qu’à sa candeur. Dans le danger, dans les attaques immédiates et les plus épineuses, dans les persécutions les plus violentes, son courage et son intrépidité furent dignes d’admiration; nul revers ne l’abattait, nulle considération ne le dominait. On en trouvera la preuve spéciale dans la manière dont il soutint à la Convention l'attaque terrible et combinée de toute l'aristocratie de France dans la personne de ses ennemis présents; dans la victoire éclatante qu'il remporta, lui seul, sur eux tous, par l’intrépidité de