Orateurs et tribuns 1789-1794

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nal, spontané, et non, comme la plupart des contemporains, un théoricien raisonneur et scribe, c'est-à-dire un fanatique pédant, une créature factice et fabriquée par les livres, un cheval de meule qui marche avec des œillères et tourne sans issue dans un cercle fermé. Avec les emportements d’un celubiste, il a la lucidité d’un politique, il sait ce que valent les coquins qu'il emploie; il n’a d’illusion ni sur les hommes, ni sur les choses, ni sur autrui, ni sur lui-même; s’il tue, c’est avec une pleine conscience de son œuvre, de son parti, de la situation, de la révolution, et les mots crus que, de sa voix de taureau, il lance au passage, ne sont que la forme vive de la vérité exacte : « Nous sommes de » la canaïlle, nous sortons du ruisseau »; avec les principes d'humanité ordinaire, « nous y serions bientôt » replongés, nous ne pouvons gouverner qu'en faisant » peur ». « Le tocsin qu'on va sonner n’est point un » signal d'alarme, c'est la charge sur les ennemis de la » patrie. Pour les vaincre, que faut-il ? De l'audace, et » encore de l’audace, et toujours de l’audace... C'est » dans Paris qu'il faut se maintenir par (ous les moyens. » Les républicains sont une minorité infime, et, pour » combattre, nous ne pouvons compter que sur eux : le » reste de la France est attaché à la royauté ; il faut faire » peur aux royalistes... » Au milieu de tant de bavards et d’écrivailleurs, dont la logique est verbale ou dont la fureur est aveugle, qui sont des serinettes à phrases ou des mécaniques à meurtres, son intelligence,