Orateurs et tribuns 1789-1794

ED ORATEURS ET TRIBUNS.

« Pourvu qu’on nous donne la parole largement, avait-il dit, je suis sûr de confondre mes accusateurs, et sile peuple français est ce qu'il doit être, je serai obligé de demander leur grâce. »

Naiïveté surprenante de la part de cet homme si clairvoyant ! Ne connaît-il pas ses ennemis ? Et qu'a-t-il fait du peuple parisien, sinon une populace effrénée, lâche et vile comme toutes les populaces, à laquelle il a lui-même appris à lécher le sang de la guillotine ? Le président du tribunal sollicite un décret pour mettre hors des débats les accusés, pour abolir la liberté de la défense; et Saint-Just, le sophiste de la guillotine, leur fait un crime de leur indignation méme : « Quel innocent s’est jamais révolté devant la loi? Îl ne faut plus d'autres preuves de leur attentat que leur audace. » Et la Convention adopte à l’unanimité le décret de mise hors la loi, attestant ainsi et sa servilité et l’éloquence de Danton.

En prison, dans la charrette, sur l’'échafaud, Danton reste fidèle à lui-même, hautain, sarcastique, lançant l'ironie à la multitude, au bourreau ! : cette tête prête à tomber paraissait encore dicter des lois. «En vérité, que diras-tu donc, demande-t-il à Camille qui pleurait,

1. Je montai chez Méhul, et l'imagination pleine de ce que je venais de voir : « Tragédie bien commencée ! J'en veux voir la fin, lui dis-je... Ce Danton joue véritablement bien son rôle. Nous sommes tous à la veille du jour qui va finir pour lui. Je veux apprendre à le bien passer aussi. » (Arnault, t. Ill, p. 99.)