Paul et Bonaparte : étude historique d'après des documents inédits
654 LA NOUVELLE REVUE.
nous garantissons mutuellement et d’une manière très suffisante, mais que nous ne nous dépouillerons pas du droit d'accorder un asile paisible à des malheureux qui, par suite d’une divergence d'opinion avec le gouvernement établi depuis peu en France, redoutant la vengeance, ne cherchent que la sécurité pour leurs personnes. » Enfin Panine avait l’ordre de rompre les négociations, « si l’insolence du gouvernement français allait jusqu’à proposer la restitution des territoires ei-devant polonais annexés à l'empire (1) ».
Malgré toutes ces réticences,on ne saurait mettre en doute le vif et sincère désir de Paul d'arriver à un arrangement pacifique avec la France. La teneur des instructions du comte Panine fut communiquée au roi de Prusse qui, par l'organe de son ministre à Paris, assura le Directoire « qu'il lui était bien doux d’avoir à transmettre à la République des explications aussi analogues à l'esprit de celles dont elle lui avait confié la communication et d’avoir ainsi obtenu heureusement le but de la commission agréable dont il était chargé » (2). Peu de temps après, l’envoyé prussien remit au Directoire une note du prince Besborodko servant de réponse à celle que Caillard avait passée en février dernier au cabinet de Berlin. Le chancelier russe y répétait qu'on ne pouvait considérer la Russie comme se trouvant en état de guerre avec la France. Il insistait sur le fait que l'empereur n’a jamais témoigné d'intentions hostiles à ce pays, qu'il avait arrêté la marche d’un corps d'armée russe destiné à se porter sur le Rhin et qu'il n'a pas cessé de conseiller à ses alliés de conclure la paix avec la République. Sa Majesté est restée fidèle à ses principes en accueillant avec plaisir le désir manifesté par le gouvernement français d'entrer en négociation avec lui, surtout s'il de-
(1) Paul au comte Panine le 15 juillet 1797. — Ce document intéressant n’a pas encore été publié en entier. Des fragments en ont été cités par Milioutine dans son Histoire de la guerre de 1799 (I, p. 36 et III, p. 58 de l'édition russe) et par M. le professeur Th, Martens dans le Recueil des traités et conventions conclus par la Russie avec les puissances étrangères (NI, p. 254). IL est regrettable que ce dernier en ait donné une traduction française tout à fait défectueuse, fourmillant de fautes d'impression, d'inadvertance et autres, mais dont le plus grand tort est d'être inexacte. La date même assignée à la pièce en question par l'éditeur est erronée. Ranke avait déjà signalé la confusion chronologique qui règne dans ce recueil (Deukurirdiqueiter des Fürster von Hardenberg, I, p. #10, note 2). On s'étonne de voir une publication officielle aussi importante rédigée avec cette négligence insouciante qui y apparaît à chaque page, on pourrait presque dire à chaque ligne.
(2) Le roi Frédéric-Guillaume II de Prusse à Sandoz-Rollin, ministre de Prusse à Paris, le 3 juillet 1797.