Paul et Bonaparte : étude historique d'après des documents inédits

PAUL ET BONAPARTE. 639

qui donna lieu aux deuxième et troisième partages de la Pologne. Cette malheureuse nation paya ainsi de son existence la reconnaissance par les souverains coalisés du principe de l’inviolabilité d’un État qui s'intitulait déjà : République française (1).

Les excès et les crimes de la Terreur n'étaient pas faits pour édifier l’impératrice de toutes les Russies. Aussi ne dissimulaitelle pas l'aversion profonde que lui inspiraient « les infâmes régiceides ». Mais elle ne pouvait en même temps retenir son admiration pour les armées républicaines, surtout en comparant leur conduite à celle des chefs et des soldats de la coalition. Non seulement elle ne prenait pas au tragique les mésaventures de ses alliés, mais elle aimait à en parler sur le ton d’une mordante ironie. La honteuse retraite des Prussiens et des Autrichiens en automne de 1792 lui arrache même quelques expressions un peu crues et qui n'ont sous la plume d'une souveraine qu'une seule excuse, celle d'avoir été empruntées par elle au répertoire de son ami Voltaire (2). Qu'on en juge par les extraits suivants de sa correspondance avec Grimm.

« Quelle horreur et quelle cacade que ce duc de Brunswick est allé faire ! Cette Champagne pouilleuse va devenir fertile par le fumier qu'ils y ont laissé... Vous devez être au désespoir, car voilà tous vos bien-aimés, les princes d'Allemagne ou grand nombre d'iceux, en fuite, ou ruinés, ou hors de leurs foyers. Et cette chère bulle d’or, le palladium de l'Allemagne! Ce vilain Custine est allé l'enlever. Encore, s'il n'y avait de mal que celui-là, mais ces trois électorats ecclésiastiques envahis! Mais qu'est-ce done que ces don Quichottes de Germanie ? Cela se ruine à tenir des troupes, cela s’égosille à les exercer et, quand il s'agit d'en faire usage, Leurs Altesses sérénissismes prennent le large avec ou sans leurs troupes! Mettez donc ordre à cela, vous qui êtes présentement dans votre centre et dites-leur donc qu’en

d'un rapport du prince Reuss, envoyé de l'Empereur à Berlin au prince de Kaunitz, en date du 17 août (Vivenor, Sources de l'histoire de la politique impériale allemande de l'Autriche, I, p. 172).

(1) Il est dit expressément dans l'art. V du traité de partage conclu entre la Russie et la Prusse le 23 janvier 1793 et auquel l'empereur des Romains à accédé le 3 janvier 1795, que les annexions à faire par la Russie en Pologne lui ont été concétlées à titre de dédommagement pour les dépenses'occasionnées par sa guerre contre la France.

(2) Voyez dans Voltaire, Œuvres complètes : & Quand je vois la cacade devant Dantzick, l'incertitude dans mille démarches... » (Lettres pruss., 109); etc. : « Un petit terrain pire que le plus mauvais de la Champagne qu'on nomme si indignement pouilleuse... » (Fragm. hist. 20.)