Portalis : sa vie, et ses oeuvres

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ments avaient modifié ses convictions. Sans cesser d'être l'adversaire de l’uniformité systématique et de la centralisation à outrance, il avait reconnu la nécessité absolue d’unifier la législation civile. Il comprenait que, dans l’état nouveau de l’Europe, il n’y a päs de nation solide là où ces trois quéstions vitales, la constitution de la famille, l’organisation de la propriété, la transmission des héritages sont abandonnées aû caprice des coutumes locales. Il sentait surtout qu'au lendemain de la crisé terrible où elle avait failli périr, la France avait un impérieux besoin d’union, et que, pour calmer les haines, effacer les souvenirs et dissiper les préjugés, nulle mesure ne pouvait être plus éflicace que la réunion de toutes les provinces et de toutes Les classes sous la même loi civile. Il était donc complétement rallié au principe de l'unité de code; sur ce point, il y avait accord absolu entre les rédacteurs. Mais à quelle source juridique devait-on emprunter la nouvelle législation? Là commençaient les divergences. Né dans un pays où la conservation des municipes gallo-latins perpétuait le règne de la loi romaine, Portalis aurait voulu se rapprocher le plus possible du droit de Justinien. Tronchet pensait autrement : homme du Nord, versé dans l'étude de nos vieilles coutumes, si originales et si populaires, il voyait en elles l'élément national de notre droit et il cherchait à en faire prévaloir les principes. Ainsi, dès le début, la question se trouvait posée entre la Gaule romaine et la France du Moyen Age, et ce dissentiment pouvait en-