Portalis : sa vie, et ses oeuvres
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Or, Portalis pensait qu’il serait difiicile aux juges nommés par le Directoire de garder une inaltérable intégrité : il craignait que le souvenir de leur nomination ne les suivit sur leurssiéges. Peut-être ces appréhensions étaient-elles exagérées; mais, aux yeux de Portalis, une considération supérieure dominait le débat: il n’admettait pas que l’on pût, même pour l’avantage le plus évident, fausser la constitution ou seulement en affaiblir autorité.
« Si vous donnez des pouvoirs que la constitution ne » donne pas, disait-il, il vous sera impossible d’en pré» venir l'abus. Quand vous voudrez rétracter votre » propre ouvrage, vous ne pourrez plus vous aider de » la loi que vous aurez méconnue et enfreinte : on » vous opposera vous-mêmes à vous-mêmes. La consti» tution qui n’aura pas prévu vos opérations arbitraires, » ne pourra vous défendre contre vous-mêmes. * »
Le coup d'État du 18 brumaire devait justifier ces prévisions, et les autorités directoriales étaient destinées à entendre bientôt, dela bouche du vainqueur de l'Italie et de l'Égypte, cette accusation d’illégalité, que Portalis, dans sa prévoyance, les ‘exhortait à ne pas encourir. Pour ne pas voir ce péril, il fallait être aveugle; mais l’avenglement est le propre des partis, surtout des partis au pouvoir. Les avis de Portalis resièrent inutiles : la constitution fut, une seconde fois, violée par les conseils.
C'était l’époque où les chefs des diverses factions,
4. Moniteur de l’an IV. Séance du A frimaire, tome Ier, page 350.