Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 19

vinces leur mécontentement personnel, des lumières qui encore n’y avaient pas apparu, et quelques semences de liberté, qui devaient germer avec lc temps. Leur insuffisance même à de si hautes fonctions, pour lesquelles ilsn’avaienteuaucune mission légale , car il n’y en a de telle que celle qu’on a reçue du peuple, annoncaït par-tout cette vérité, qu’il n’était pas au pouvoir de quelques hommes de guérir tant de maux. On savait que M. de Galonne avait rejeté avec effroi l’idée de convoquer les états-généraux; et tous les hommes éclairés convenaient qu'ils étaient devenus inévitables. Le gouvernement lutta cependant encore quelque temps conire la mauvaise fortune, et fut aux prises avec sa propre impuissance, Un homme qui avait administré pendant quelques années quelque partie des deniers d’une province se crut en état de sauver un empire abîmé. Ambitieux au-delà de la mesure de ses talens, aimable, mais faible, plus spirituel qu’éclairé, plus confiant que hardi: M. de Brienne, qui, toute sa vie avait aspiré au ministère par les moyens sourds qui y conduisaient, avait prévu la chute de M. de Calonne, et parvint à le remplacer. La nation se mità espérer encore. Mais lenouveau ministre, arrivé sans plan et livré au torrent qui entraînait tout, ne put qu’écarter les réformes proposées par son prédécesseur, etadopter ses impôts sous des formes plus désastreuses encore. Alors l’indignation fut générale. Paris déploya ces premiers mouvemens d'énergie dont les gens clair-voyans prévirent les suites. Le gouvernement de son côté voulut être obéi. Le parlement trouvant une occasion favorable pour justifier le nom de père du peuple, qu’il faisait servir de voile à son ambition particulière, fit des remontrances; et la cour, ayant décidé le roi à tenir un lit de justice pour forcer l’enregistrement desimpôts, le parlement trancha le nœud gordien : il déclara qu’il n’avait pas le droit d’enregistrerdes impôts qui n’étaient pas consentis par la nation, et demanda la convocation des états-généraux. À ces mots terribles le gouvernement fut déconcerté. Paris se livra aux transports de la plus vive joie; un mouvement général d'espérance anima la nation toute entière ; et le parlement, élevéau plus haut degré degloire, devint l’idoledes Français.