Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

8 CONVENTION

commenca son apologie. Je vais rapporter textuellement les traits principaux de son discours.

« Qu'on cesse d'accuser, dit-il, Robespierre, Danton et .» autres... Moi seul, j'ai donné l’idée du tribunat, du trium» virat, de la dictature, comme il vous plair&, et je ne crains » pas que le peuple m'en désavoue ; il connaît mes principes » et mon attachement à ses intérêts. Oui, je le déclare, dou» loureusement affecté des crises violentes dont ma patrie était » agitée, la voyant prête à s’engloutir sous ses ruines, je n’aë » vu qu'un seul moyen de la sauver, la dictature, et je lai » proposée; maïs je voulais qu'elle füt déposée dans les mains

d’ün homme probe et fort de caractère, qui püt, avec tran» quillité et justice, faire tomber la tête des coupables. Déjà » cent mille patriotes sont morts victimes de la scélératesse, » cent nulle autres sont encore menacés.

» Peuple! pourquoi ne m’as-tu pas cru? Si le jour même » où la Bastille fut conquise, moins sourd à ma voix, tu avais » fait tomber cinq cents têtes de machinateurs, tu aurais » imprimé la terreur dans l'ame des autres, et le nouvel ordre » de choses n'aurait pas éprouvé tant d'obstacles. »

On frémissait; plusieurs députés s’élancaient de leur place pour arracher de la tribune le monstre dont ils ne pouvaient plus supporter ni la vue, ni la voix, Vergniaud obtient la parole. « Qu'ilest pénible pour moi, dit-il, de remplacer à cette » tribune un homme tout dégouttant de calomnies, de fiel et » de sang! » La honte qu’ilexprime, chacun paraîtla ressentir. Vergniaud oublie Robespierre et Danton; mais il presse ardemment ou l’expulsion, ou le supplice de Marat. Il lit l’'épouvantable circulaire que nous avons rapportée dans le livre

récédent. Il Lit un numéro de l’ Ami du Peuple, dans lequel Marat calculait, avec la plus froide férocité, qu’on ne pouvait plus assurer la liberté qu’en faisant tomber soixante-dix mille têtes. Des applaudissemens partent des tribunes pour approuver les calculs de Marat. L’épouvante se répand dans l’assemblée. La plupart des députés détestent encore les proscriptions, mais ils se croient entourés d’une armée de proscripteurs : quelques-uns abandonnent la salle; ils disent que c’est par l'horreur d’entendre de telles atrocités, et ils étaient appelés à Les punir. Marat reparaïît; il avoue l’écrit qu'on vient delire; il en montre un où sa cruauté semble un peu ralentie. La montagne en approuve la doctrine avec mille bruyantes clameurs; tout le reste se tait et se disperse. Marat insulte encore ceux qui fuient; il annonce lui-même son triomphe : « Rou» gissez, dit-il à ses collégues tremblans, rougissez de votre » précipitation à accuser les patriotes »! Il tire de sa poche un pistolet, puis il ajoute : « Si le décret d'accusation eût été