Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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les plus grossiers ajoutaient encore à la rudesse de leur ton; les plus féroces, à leur air farouche. Cette société comptait, dans Paris seul, près de quinze cents membres. Une multitude de complices obscurs remplissait ses tribunes. La séance s’ouvrait par des chants révolutionnaires, les uns lugubres comme les avertissemens de la mort, les autres d’une gaîté encore plus barbare, On lisait un extrait de la correspondance des sociétés du même genre qui s'étaient établies dans toutes les villes, et bientôt dans presque tous les villages de France. Elles félicitaient la société mère ; elles exaltaient son courage; quelquefois elles lui reprochaient sa faiblesse, sa lenteur. Là se trouvaient la liste et l'éloge des massacres commis sur tous les points de la république. Peu de ces adresses se terminaient sans une dénonciation; des milliers de proscrits ÿ trouvaient l’arrêt de leur mort, ou l'avis de fuir... Après cette lecture commenaient des débats tout-à-la-fois burlesques et terribles. Les députés à la convention venaient la dénoncer, s’ils y avaient éprouvé quelques échecs; ils se consolaient de quelques jours où leur vengeance était suspendue par la perspective de l’obtenir plus longue et plus complète. Il rég tune telle confusion dans ces débats, on croyait y voir une telle démence, qu'on s'attendait à les trouver sans résultats, et pourtant jamais une conception du crime n’y fut perdue; à peine était-elle proposée, c'était à qui l’applaudirait, la développerait, l’exécuterait. La force de cette faction consistait sur-tout à savoir employer des hommes qui, par leurs formes stupides et grossières, et par leur avilissement, auraient été dédaignés de tout autre parti. Ils avaient réussi à mettre à leur disposition les vices de chaque individu en France. Il y avait parmi eux des fanatiques, des hypocrites et des hommes qui voulaient à tout prix sauver l'indépendance de leur patrie. Les uns étaient plus avides de sang, les autres plus avides d’or. Pour ceux-ci la cruauté était un besoin, pour ceux-là elle était un calcul. On s'y faisait une loi d’insulter publiquement à la pitié comme à la dernière bassesse du cœur; quelques-uns pourtant l’éprouvaient en secret. Déjà plusieurs d’entre eux envoyaient, dans leur pensée, leurs complices à l’échafaud; mais les haïînes restaient aussi profondes, aussi cachées qu’à la cour d’un tyran. C'était ainsi qu’ils s’offraient au combat contre les giroudins. : Parlons maintenant de ceux-ci. La convention leur avait amené quelques auxiliaires recommandables, que nous aurons à nommer dans le cours de cette histoire. Parmi ceux qui se ralliaient à leur parti, tous n’approuvaient pas leur conduite dans la précédente assemblée. Les girondins n’obtenaient pas un dévouement aveugle; souvent leurs combinaisons paraissaient trop subtiles, d’autres fois dangereuses; ils manifestaient