Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

NATIONALE. Â7

Les habitans de Paris, sous les armes, furent témoins -du supplice. Ils avaient été appelés pour le protéger. La commune de Paris n’ignorait pas que l'immense majorité de ses citoyens voyait avec horreur ce sacrifice : elle les arma pour n’en avoir rien à craindre; c’est-à-dire, qu’elle les rangea timides, soupconneux, sous la conduite de ées licteurs. Ainsi que le courage se communique à la multitude par la multitude même, la térreur n’est jamais plus profonde que lorsque tous les yeux la répètent à-la-fois, On se rendait en alarme à la section ; malheur aux absens! leurs noms étaient inscrits. En entrant dans les rangs, on était étonné de rencontrer tant d'hommes avides du sang du roi; tous les lâches en avaient augmenté le nombre. Une double haie d'hommes ainsi assemblés remplissait tous les lieux par où Louis était conduit à la mort. Lorsqu'on le voyait, ou qu'on croyait le voir (il était presque caché dans la voiture par ceux qui le conduisaient), l'arme qu'on portait semblait tomber des mains. Les cris féroces étaient peu répétés; on retenait ses sanglots ; on craignait d’avoir été apercu. Mais lorsque Louis eut cessé de vivre , la douleur publique, quoiqu'elle n'osât éclater, se fit sentir profondément : on revenait morne, absorbé ; la multitude ellemême , soit pitié, soit ressentiment d’avoir vu sa curiosité trompée , chargeait d’imprécations Santerre, qui avait étouffé les dernières paroles du roi. Pendant tout le jour Paris fut silencieux, presque désert : on s'enfermait dans sa famille pour pleurer ; les rues n'étaient traversées de moment en moment que par des bandes de brigands, dont les chants et les danses barbares exprimaient la fureur et voulaient imiter la joie. L’anniversaire de ce jour fut, pendant sept ans, célébré dans Paris comme un jour de fête.

Ainsi périt, à l’âge de trente-neuf ans, après un règne de seize ans et demi, Louis XVI, chef de la plus florissante monarchie de l'Europe , roi du peuple le plus policé, le plus aimable, et qui était regardé comme idolâtre de ses princes ; le descendant d’une des plus longues suites de rois qui se soiènt jamais transmis le trône; celui qui comptait parmi ses aïeux Louis XIV, Henri IV, saint Louis. Son sort fut d’avoir toujours un penchant actif et désintéressé à chercher le bien du peuple, et une extrême irrésolution à le saisir. Déjà indécis lorsque son autorité trouvait peu d'obstacles, il fut troublé, éperdu quand il en rencontra.

Nul prince n’a porté plus loin que lui lexcès et la peine de la faiblesse; nul prince n’en eut au moins une plus. honorable excuse. S'il eût été indolent, voluptueux , il eût pu se débarrasser, comme tant de rois respectés durant leur