Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
EXECUTIF. 223
dirigé la journée du 30 prairial, la moins fameuse et la moins décisive de toutes les journées révolutionnaires ; son ame, inaccessible à la vengeance , ne lui eût pas permis de donner des suites cruelles à une victoire de ce genre. Un sentiment plus doux l'avait occupé:il venait d’épouser la fille de l'ambassadeur français Sémonville ; et comme s’il n’eût pas eu encore assez de gloire à lui offrir , il avait volé aux plaines d'Italie, et il avait trouvé l’armée presque dans le même lieu où Bonaparte avait commencé sa conquête. J'ai dit que l’opinion publique avait supposé que, dans ce moment même , il concevait de vastes projets pour délivrer la république de l’anarchie. Mais les conjectures les plus vraisemblables ne peuvent se développer dans un précis qui suffit à peine à l'indication des grands événemens que l’histoire offre ici en foule. Joubert va combattre. Une guerre défensive lui paraît insupportable pour des Français ; elle l'est sur-tout pour lui-même. Il est parvenu à réunir trentesix mille hommes , mais dont le plus grand nombre n'est point encore éprouvé par la guerre. Il a sous ses ordres des généraux estimés. Moreau est parmi eux. Ils confèrent ensemble sans rivalité. Ils savent que Suwarow va recevoir un renfort de vingt mille hommes. C’est l’armée du général Kray qui revient de Mantoue, qu’une capitulation, sujet d’un long murmure parmi les militaires francais , lui avait livrée beaucoup plutôt qu’il ne pouvait l’espérer. Le général Joubert se décide à prévenir, s’il en est temps encore, cette importante jonction , qui portera l'armée des alliés à plus de soixante mille hommes. Mais, malgré la promptitude de ses mouvemens , il est trompé dans son espérance. À peine s'est-il emparé des hauteurs de Novi, dans l'intention d'offrir la bataille, qu’il s'aperçoit , à la confiance des ennemis , que la jonction s’est déjà opérée ; et c’est le général Kray lui-même qui, le 28 thermidor , commence l'attaque contre Vaile gauche de l’armée francaise’, commandée par le général Joubert. Celui-ci sent toutes les difficultés de sa position ; il n’a plus de confiance que dans l'héroïsme de son armée ; il croit que l’excès du péril lui permet de se conduire en soldat ; il marche à la tête d’une colonne d'infanterie. Il a tellement habitué l’armée à l’excès de son intrépidité , qu’elle ne songe pas même à le contenir. Les sermens de vaincre ou de mourir, les cris de vive la république, les chants d’une joie martiale retentissent sur son passage et se mêlent au sifilement des balles ... Mais un morne silence, et bientôt les cris du désespoir succèdent à ce tumulte belliqueux. Joubert a recu une balle qui l’a atteint au cœur. On l'a vu tomber de cheval ; sa voix s’est