Récits des temps révolutionnaires d'après des documents inédits

64 RÉCITS DES TEMPS RÉVOLUTIONNAIRES.

pas besoin, presque toutes les lettres saisies étant déchiffrées entre les lignes. »

Quant à l’abbé Godard, reconnaissant tardivement combien il avait été coupable en aggravant par sa propre imprudence celles de Hyde de Neuville, et contraint de songer à sa sûreté, il parvint à se mettre à l’abri. Mais un inconsolable désespoir l’accompagna dans la retraite où il s’était réfugié. Il s’accusait d'avoir, par sa légèreté, provoqué cette fâcheuse aventure. « Mon ami, quel affreux événement! écrivait-il à Hyde de Neuville, qui était encore à Londres. Nécessairement, vous aurez, pour vous justifier, à parler de moi à Monsieur; quelle cruelle manière d’être connu de lui! »

Hyde de Neuville aurait pu alors imputer au malheureux abbé la responsabilité de la saisie. Quelques-uns de ses amis d'Angleterre, et notamment la comtesse de Boigne, le lui conseillaient et le pressaient de tout dire au comte d'Artois ‘. Mais soit qu'il mesurât l’étendue de ses propres torts,

1. C’est Hyde de Neuville qui, dans ses mémoires, fait intervenir ici Madame de Boigne. Dans les siens, elle ne fait aucune allusion à ces incidents. Elle avait alors dix-neuf ans et l'on ne peut que s'étonner que Hyde de Neuville ait cru devoir, dans

des circonstances aussi graves, mentionner l’opinion d’une si jeune femme dépourvue d’autorité comme d'expérience.