Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

— LIU

€ Tout Bonaparte que vous soyez, je ne répondrais pas que le volume énorme de cette lettre ne vous fit reculer d’effroi ! Je ne m'en félicite pas moins d’avoir pensé à vous l'écrire, au lieu de vous demander une Conversation, car je doute fort que j’eusse trouvé le moyen de vous en dire le contenu de vive voix.

€ Vous avez un défaut, général, celui de ne pas calculer combien vous devez nécessairement imposer à quiconque n’est pas un impudent ou un sot. Lorsque vous discutez, vous vous livrez à toute la prestesse de votre imaginalion ; votre interlocuteur, pour peu qu’il soit digne de vous entendre, n’est nullement tenté de vous interrompre et encore moins de vous contredire. Pour ma part, la moindre nuance d'opinion entre nous me jette dans un désordre qui me rend incapable de lier deux idées; si vous n’étiez qu'un homme puissant cela ne serait pas ainsi : depuis mon enfance, je ne me rappelle pas d’en avoir abordé un seul avec la plus légère émotion.

€ Mais il est deux êtres privilégiés devant lesquels je n'ai jamais su conserver ni confiance, ni sang-froid, ni courage, el ces deux êtres sont : une jolie femme et un grand homme.

€ Salut et respect,

€ Signé : J. Roucer DE Lisce. »

On comprendra facilement qu'après une lettre où les abus et les hommes qui les ont commis sont signalés avec une désinvolture aussi énergique, Bonaparte ne pouvait pas accepter les offres de services que lui faisait Rouget de Lisle.

Le Coëningholm le préoccupait toujours, et sans cesse il revenait à la charge pour arriver à une conclusion. Dans une quatrième lettre, c’est Boyer-Fonfrède qu’il signale comme un pervers, mais il le fait non pas sous le