Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

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chargé par lui d’un message pour Dumouriez. Sa mission remplie, Dumouriez le retint à diner; il accepta et il se trouva placé à table à côté du duc de Chartres (depuis Louis-Philippe), qui lui témoigna beaucoup de joie de ce rapprochement. Comme Rouget de Lisle félicitait le jeune prince sur la journée de la veille, dont le succès pouvait, à bon droit, lui être en partie attribué : « Oh ! « non, dit le prince en souriant, ce n’est pas à moi, « c’est à vous que ce succès est dû »; et voyant l’étonnement et la curiosité se peindre sur le visage de son interlocuteur : € Au moment de l'attaque, ajouta-t-il, je « reçus du général l’ordre d’aller m’emparer du bois de « Boussu. On me donna, pour exécuter ce mouvement, « un bataillon formé des jeunes gens de Saint-Denis qui n'avaient pas encore vu le feu; ils s’avançaient au pas « accéléré avec autant de courage que d’inexpérience, « quand, tout à coup, une décharge part du bois même « que nous allions occuper. Voilà ces pauvres jeunes « gens qui, dans un premier mouvement de surprise, « s’elfraient, perdent la tête, se débandent et m’aban« donnent. :

« Je cours après eux; je parle, je supplie. Tout est « inutile, ils n’écoutent ni mes ordres ni.mes prières « Désolé d’une défection si inaitendue, je tente une « dernière ressource; je lève mon chapeau sur la pointe « de mon épée, et de foute ma voix je commence à « chanter :

A À

« Allons, enfants de la patrie, « Le jour de gloire est arrivé.

« À ces accents chers et connus, mes fuyards parisiens

tournent la tête et s’arrêtent. Bientôt vous les eussiez

vus se rassembler de nouveau, accourir sur mes pas, 16.

«

= À